"Saint Seiya in Love : Masque de Mort"

Chapitre 1 : "Le Tueur solitaire"


Le chevalier d'or regarda son adversaire, puis fonça à l'attaque. Sa pauvre victime tomba au sol, frappée mortellement au cou, tandis que le chevalier s'arrêtait. Une attaque à la vitesse du son était mortelle pour un simple humain. L'homme avait la nuque brisée, et le sang s'écoulait de sa carotide tranchée, à gros bouillons.

Le chevalier d'or releva la tête, et regarda vers le ciel. Un instant plus tard, il avait disparu. Il arriva immédiatement dans le palais qu'il devait protéger, la maison du Cancer. Masque de mort sourit, il avait encore une fois accompli son travail de tueur pour le Pope.

Masque de Mort attendit un instant, puis ressentit la présence. Il avança de quelques pas, regarda autour de lui et vit où l'âme allait se fixer. Il regarda le visage se matérialiser sur la pierre. L'âme de sa dernière victime venait compléter sa collection en ajoutant son visage terrifié à celui de ses centaines autres victimes.

Le chevalier contempla le visage, cherchant le mot exact pour décrire cette expression. C'était une forme de terreur mêlée de surprise. Une expression courante dans sa collection, car il laissait rarement à ses victimes le temps de réaliser vraiment ce à quoi elles étaient confrontées. Masque de Mort émit un soupir de dédain et délaissa le visage banal.

Il se dirigea vers l'aile Ouest de la Maison, arriva face à un mur. Il posa sa main sur une pierre, et le mur se mit à vibrer. Puis la porte secrète s'ouvrit et Masque de Mort entra dans la petite pièce.

Contrairement au reste de la maison du Cancer, cette alcôve secrète n'empestait pas la mort, et un seul visage apparaissait sur le mur, en face du chevalier. Masque de Mort alluma les tisons, ferma la porte derrière lui, et se tint debout face au visage. Il était seul et laissa donc les larmes couler sur ses joues. Tendant la main, il effleura le visage de la jeune femme, prisonnier du mur. Sa main retomba le long de son corps, il serra les poings, sécha ses larmes, et rouvrit la porte.

Avant de sortir, il lança un dernier regard vers le visage, et murmura son nom.

"A demain, Amina..."

Cela faisait déjà cinq ans...


Masque de Mort était déjà à l'époque le tueur attitré du Pope. Il savait que ce dernier n'était pas celui qu'il disait être, et avait senti derrière le masque un esprit malfaisant. Mais Masque de Mort n'en avait cure. Il était chevalier d'or et exécutait toujours les ordres, quelque soit la moralité de ceux-ci.

Masque de Mort n'était pas un chevalier connu pour sa bonté. Il rudoyait souvent les chevaliers de rang inférieur, et terrorisait les gardes. Il démontrait sa force physique quand il en avait l'occasion, mais ne négligeait pas l'impact psychologique que son attitude avait sur les autres. Masque de Mort était fier d'être chevalier d'or.

A cette époque, Masque de Mort ne portait pas encore ce nom. Aucun visage n'apparaissait sur les murs de la maison du Cancer. En fait, il n'avait eu à tuer que par deux fois déjà, mais c'étaient les deux seules exécutions que le Pope ait jamais ordonné. Il s'agissait d'anciens chevaliers, traîtres à la cause, et condamnés à mort par Athéna - ou par le Pope. Masque de Mort était fier d'avoir été choisi pour cette besogne, car il estimait que purger le Sanctuaire des traîtres ou des inutiles était rendre service à tous les chevaliers.

Il avait obtenu son armure un an après Shura, à l'âge de dix ans. A cette époque, Aiolos était déjà mort, et seuls Saga, le mystérieux chevalier des Gémeaux, et Shura du Capricorne possédaient une armure d'or. Il y avait bien le chevalier de la Balance, mais il vivait en Chine depuis très longtemps, et ne rentrerait sans doute jamais au Sanctuaire. L'armure du Sagittaire et celle du Bélier avaient disparu.

Masque de Mort s'était lié d'amitié avec Aphrodite, un apprenti chevalier d'or qu'il avait eu l'occasion de rencontrer. Aphrodite, malgré son visage angélique, était semblable à lui de caractère, ne respectant que sa propre force, et celle de ceux qui lui étaient supérieurs, et Masque de Mort aimait cela. Les autres apprentis étaient encore jeunes, et Masque de Mort ne les connaissait pas tous à l'époque de sa confirmation.

Puis de jeunes garçons gagnèrent leurs armures et rejoignirent les gardiens d'Athéna. Aphrodite, d'abord, devint chevalier des Poissons, un rôle honorable car il devait garder la dernière maison, et était donc le dernier rempart entre Athéna et ses ennemis. Puis Aiolia et Shaka, Milo et Camus devinrent chevaliers. Mû revint de Jamir avec l'armure du Bélier, que son maître y avait dissimulée. Il fut reconnu par le Pope puis il repartit au Tibet, et cessa tout contact avec le Sanctuaire. Aldébaran enfin, devint chevalier du Taureau. Ils étaient désormais dix chevaliers fidèles au Pope et à la Déesse. Mais Masque de Mort savait déjà que le ver était dans le fruit.


Le temps passa, et Masque de Mort reçut un jour l'ordre de se rendre au palais pour une nouvelle mission. Masque de Mort se présenta à la porte, que les gardes ouvrirent, et il entra dans la grande salle. Il avança le long du tapis rouge, jusqu'au pied du trône, et s'agenouilla devant le Pope.

"Chevalier du Cancer, à vos ordres, Seigneur."
"Chevalier, j'ai une mission à te confier."

Masque de Mort ne releva pas le visage, gardant les yeux baissés. De toute façon, qui aurait-il à voir ? Le Pope gardait toujours son masque, et il semblait que personne n'avait jamais vu son visage, ou n'était resté en vie pour raconter ce qu'il avait vu.

"Il y a, au coeur de l'Afrique, un vieux chevalier qui a rendu son armure il y a déjà longtemps. Mais ce vieil entêté résiste encore à Athéna, et refuse de venir prêter serment à nouveau. Athéna a peur que cet homme ne mette sa science au service de l'ennemi, aussi je souhaite que tu te rendes sur place et que tu empêches cela. Définitivement. Suis-je clair ?"
"Oui, monseigneur."
"Bien. Cet homme a sans doute une famille, et ceux-ci peuvent se montrer puissants, voire dangereux pour Athéna, s'ils ont reçu l'enseignement de cet homme. Tu devras donc aussi les éliminer."
"Dois-je vous ramener une preuve, Seigneur ?"
"Non. Je te fais confiance. Seule la tête du vieux chevalier suffira, afin que je la remette à Athéna. Tu peux disposer."

Masque de Mort se mit debout, s'inclina devant le Pope, et fit demi-tour. Il sentit tandis qu'il marchait le poids du regard du Pope dans son dos. Cet homme ne lui faisait pas confiance, contrairement à ce qu'il disait. Mais Masque de Mort ne lui faisait pas confiance non plus. Apres tout, rien ne disait qu'il n'avait pas tout simplement remplacé Athéna à la tête du Sanctuaire après l'avoir éliminée.

Masque de Mort sourit. Si c'était le cas, cet homme était sans doute un monstre, mais aussi un être très puissant. Peu lui importait qui dirigeait le Sanctuaire, tant que lui-même pouvait y tenir sa place. Il préférait même être aux ordres d'un homme qui avait atteint sa position par sa propre force, plutôt que sous ceux d'une déesse qui ne devait sa place qu'à sa naissance.

Masque de Mort quitta le palais, puis se téléporta en Afrique.


"Hum... Voila donc le tueur envoyé par cet usurpateur. Un chevalier d'or. Le Pope se méfie donc de moi ?"

Masque de Mort regarda le vieil homme. Il était encore valide malgré son âge, et recelait une certaine force. Son visage ridé était constellé de cicatrices qui montraient qu'il avait participé à bien des combats. Sa peau d'ébène faisaient ressortir le blanc de ses yeux, ainsi que ses muscles noueux. Le vieil homme n'était certes pas aux portes de la mort.

Une femme a la peau sombre s'approcha de lui. Masque de Mort vit immédiatement qu'elle possédait aussi des pouvoirs. Le Pope avait raison. Si cet homme était un traître, sa famille pouvait aussi l'être.

"Que voulez-vous ? Que faites-vous ici ?" Le regard de la femme brillait de colère.
"Laisse." Le vieil homme avait déjà compris que rien ne pourrait empêcher ce qui allait se passer. "Ne t'approche pas de lui. Il est venu me tuer."
"Mais je ne peux laisser aucun traître en vie." Masque de Mort dit cela avec un sourire en coin.

Le vieil homme réalisa que le tueur devait exécuter toute sa famille. Il ne pouvait le permettre. Il repoussa la femme, et intensifia son cosmos.

"Chevalier d'or ! Je suis peut être vieux, et je n'ai pas ta puissance, mais tu ne toucheras pas à ma fille ! En garde !"

Le vieil homme attaqua à la vitesse de l'éclair. Mais sa vitesse n'était rien comparée à celle d'un chevalier d'or. Masque de Mort évita le coup, et d'un geste négligé balaya les jambes du vieux chevalier, le faisant tomber au sol. Puis il posa son pied sur sa poitrine, le maintenant au sol.

"Vieil homme, dis moi combien de traîtres tu as formé. Combien de membres à ta famille. Dis moi tout ça." En même temps, il appuyait sur la poitrine, arrachant des râles au vieillard.

"Laissez-le !" La femme se jeta sur lui, à la vitesse du son. Il esquiva et dès qu'elle fut passée à coté de lui, lui porta un coup. Les os craquèrent et elle tomba au sol, la nuque brisée. Elle hoqueta une dernière fois et la vie la quitta.

"Non ! Non ! Ma fille !" Le vieil homme pleurait, regardant le corps. Masque de Mort appuya encore une fois de la jambe, sentit les côtes qui se brisaient. Le vieil homme cracha du sang.

"Sa... Salaud..." Le vieillard le regardait, les yeux pleins de larmes, du sang coulant de sa bouche. "Tu les aura pas. Je parlerai jamais..."
"On va bien voir." Masque de Mort retira son pied, saisit l'homme au cou et le souleva de terre. Il appuya sur une côte, qu'il avait senti brisée, provoquant la douleur.

"AAAARRRG !!" Le vieil homme allait parler, Masque de Mort en était sûr. Mais l'homme baissa le regard vers lui, sourit, puis mordit. Le sang jaillit entre les lèvres. Il s'était coupé la langue. En quelques secondes, l'homme mourut.

Masque de Mort jeta le cadavre au sol, puis entra dans la cabane. Il devait bien y avoir un indice. Il retourna toute la maison, cherchant dans tous les coins, et finit par trouver une photo. L'homme y était entouré de toute sa famille. La photo datait un peu, mais il parviendrait à les retrouver. Il y avait là la fille qu'il avait déjà tuée, son mari, sans doute, trois autres adultes, et six enfants, qui devaient aujourd'hui être des adolescents. Donc, encore dix personnes à exécuter. Tous étaient noirs de peau, ce qui ne faciliterait pas les recherches dans cette partie de l'Afrique. Des blancs auraient été plus repérables.

Masque de Mort quitta la cabane, et partit en chasse.


"Qui êtes vous ? Que voulez-vous ?"
"C'est agaçant, vous posez tous la même question."

Masque de Mort se tenait face à un jeune homme de son âge. Celui-ci ne semblait pas réaliser la situation. Il allait mourir.

"Je suis envoyé par le Pope pour éliminer les traîtres."
"Quoi ? Alors c'est toi le salaud qui a tué mes parents ?"
"Et pas seulement eux. Ton grand père, tes oncles et tantes, tes cousins, et ton frère. Il ne reste plus que toi. Tu es le dernier de ma liste."

Le jeune homme eut un frisson. Le tueur avait décimé toute sa famille. Personne n'était assez inhumain pour faire ça !

"Tu vas me le payer !" Sa voix était pleine de fureur, des larmes coulaient de ses yeux. Il intensifia son cosmos, et Masque de Mort sentit le septième sens s'éveiller.

"Incroyable..." murmura-t-il "Ce vieux fou leur avait donc donné tant de pouvoirs. Le Pope a eu raison de m'envoyer."

"Meurs ! Black Crushing Fist !" Les coups fusèrent à la vitesse de la lumière. Masque de Mort vit tout de suite que ce n'était encore qu'un novice, qu'il ne maîtrisait pas le septième sens, mais il était tout de même dangereux. Masque de Mort évita les coups, parant ceux qui étaient les plus rapides.

"Impressionnant. Mais tu ne tiendras pas très longtemps. Je suis protégé par l'armure la plus solide qui soit et tu ne portes même pas de protection. De plus je te suis supérieur par le cosmos, et l'habitude."
"Ta gueule ! Black Crushing Fist !"
"Imbécile ! Une attaque ne marche jamais deux fois sur un chevalier !"

Masque de Mort esquiva tous les coups, se rapprochant de son adversaire à la vitesse de la lumière. Il serra ses doigts, en faisant une lame, et arrivé au contact, plongea sa main dans la poitrine découverte. Le jeune guerrier cracha du sang qui vint maculer l'armure d'or, et tomba à genoux, la main de Masque de Mort toujours plantée dans son coeur.

"Amina..." eut-il le temps de souffler dans un dernier râle, avant de s'effondrer mort.

Amina ? Qui était-elle ? Elle n'apparaissait pas sur la photo.


Masque de Mort mit presque trois jours pour la trouver. Elle vivait dans un village non loin de là. Masque de Mort quitta son armure. Il devait d'abord la questionner, vérifier si elle faisait partie de ses cibles. Il ne devait pas tuer inconsidérément.

Il entra dans le village, vêtu d'un tee-shirt sombre, d'un pantalon noir et de baskets noirs également. Il s'arrêta devant la cabane d'Amina.

"Amina ?"

La jeune femme sortit de la maison. Vue de près - il ne l'avait espionné que de loin - il se rendit compte qu'elle était ravissante. Sa peau était d'un noir d'ébène, ses cheveux crépus, coupés courts, lui donnaient un air de garçon manqué. Mais son visage était fin, et exprimait tout à la fois la gentillesse, et une grande sensualité. Elle était mince, maigre même, ses jambes étaient interminables. Elle était vêtue d'une sorte de paréo bariolé, et une étoffe masquait sa poitrine menue. Des créoles dorées pendaient à ses oreilles. Elle le dévisagea.

"Que voulez-vous ?"
"Reconnaissez-vous ceci ?"

Masque de Mort lui tendit la ceinture qu'il avait prise sur le cadavre du jeune guerrier. La boucle de ceinturon, dorée, présentait des motifs complexes et entrelacés. C'était sans doute un cadeau, un objet rare et précieux.

"Mon dieu... Ou avez-vous trouvé cela ?"
"Sur le corps d'un homme, à quelques kilomètres d'ici. Avant de mourir, il a murmuré votre nom."
"Mon dieu, non !" Ses yeux s'emplirent de larmes et elle se jeta sur Masque de Mort. Celui-ci eut un réflexe de défense, mais elle ne voulait pas l'attaquer. Elle s'appuya sur lui, inondant son tee-shirt de ses larmes.

Masque de Mort passa ses bras autour d'elle, dans un geste de réconfort. Il ne savait pas lui même pourquoi il faisait cela. Au bout de quelques minutes, elle se reprit, et s'éloigna de quelques pas.

"Je... je vous remercie. Pourriez-vous me dire où il se trouve ? Je voudrais lui donner une sépulture."
"Pas la peine. Je m'en suis chargé." C'était faux. Le corps avait sans doute déjà été dévoré par les charognards.
"Merci. Comment... comment est-il mort ?"
"Je n'en sais rien. Il saignait abondamment quand je l'ai trouvé. A part votre nom, il n'a rien dit."
"Quelle horreur... Je vous remercie encore de m'avoir rapporté ceci" dit-elle en montrant la ceinture, qu'elle tenait serrée contre elle "... je... entrez, vous devez avoir soif."
"Je...non ça ira. Dîtes moi, vous le connaissiez bien ?"
"Entrez, nous serons mieux à l'intérieur pour discuter."
 
 

Masque de Mort la suivit dans la cabane. Celle-ci était plus grande qu'elle n'en avait l'air, et comme peu de meubles l'occupaient, il y avait beaucoup d'espace. Deux lits se trouvaient dans un coin. Elle vivait sans doute avec le guerrier.

"Du café ?"
"Oui. Merci. Bien noir."
"Mon père l'aimait aussi bien noir. Mais pas Kahal. Il le préférait léger. Il disait que cela lui permettait de rester parfaitement maître de lui."

Kahal devait être le jeune guerrier. Bien, apparemment, elle était sa maîtresse, et non un membre de sa famille. Elle n'avait pas de pouvoirs, Masque de Mort ne sentait pas de cosmos. Elle n'était donc pas dangereuse, et il pouvait la laisser vivre.

Pour une raison inconnue, il se sentit soulagé.

"Je... excusez-moi." Elle lui tendit la tasse en tremblant. "Je..." Ses yeux étaient à nouveaux pleins de larmes, et elle se maîtrisait pour ne pas pleurer. Masque de Mort eut envie de l'aider, de chasser ces larmes, de faire revenir son sourire.

"Vous l'aimiez beaucoup n'est-ce pas ?"
"Oui bien sûr..." Elle essuya ses larmes, sourit, ses dents blanches contrastant avec sa peau. "C'était mon frère."

Masque de Mort faillit s'étrangler avec son café.


Masque de Mort se retournait dans son lit. Il se demandait encore comment il en était arrivé là. Amina était une de ses cibles. Pour obéir au Pope, il devait la tuer. Mais Amina n'était en rien une menace pour le Sanctuaire. Elle ne possédait pas de pouvoirs, et n'aurait jamais l'occasion d'apprendre à se servir du Cosmos, maintenant que toute sa famille était morte. Et elle était si belle...

Masque de Mort secoua la tête. Mais que faisait-il donc ? Elle l'avait invité à rester chez elle, quand le soir était tombé, et ils avaient dîné ensemble. Puis elle lui avait offert le lit de Kahal, et il avait accepté. Et maintenant, il se trouvait là, couché dans le lit d'une de ses victimes, à quelques centimètres de celui de sa prochaine cible, une jeune femme de son âge dont il venait de massacrer toute la famille et qui, l'ignorant, lui avait offert son hospitalité.

Masque de Mort se releva soudain. Cette situation était ridicule. Il se leva en silence, se tint debout près du lit. Il leva la main, prêt à la plonger dans la gorge qui s'offrait à lui. Il resta là un instant. Il ne parvenait pas à porter le coup de grâce. Ce visage... Ce nez, ces oreilles délicates, cette courbe parfaite du menton... Ces lèvres, légèrement entrouvertes, laissant passer un filet d'air quand elle expirait. Ces lèvres, il ne pouvait détacher les yeux d'elles. Il baissa lentement sa main, s'assit sur son lit, la regardant encore.

Sa respiration était régulière, sa poitrine, qu'il devinait sous le mince drap, se soulevait légèrement, et ce mouvement le troubla, à moins que ce ne fut le fait que le drap blanc laissait deviner la peau sombre et nue en dessous. Il suivait le chemin de l'air, le visualisait presque entrant pas ces lèvres si attirantes, passant par la gorge, descendant jusque dans sa poitrine, puis remontant en sens inverse, aboutissant toujours à sa bouche. Masque de Mort sentit la sueur couler sur son visage. Il sentait qu'il luttait contre lui-même, contre une part de lui qui ne s'était jamais éveillée jusqu'à maintenant.

Une larme perla au coin de l'oeil d'Amina, et glissa lentement sur la joue. Masque de Mort tendit la main, effleura la peau et recueillit la goutte salée sur son doigt. Puis il se recoucha, tournant le dos à la jeune femme, ferma les yeux et tenta de trouver le sommeil.

Au milieu de la nuit, il comprit qu'il était amoureux, et qu'il ne parviendrait jamais à accomplir sa mission.


Chapitre 2 : "Rongé par le Mal"


"Bonjour. Vous avez bien dormi ?"

Masque de Mort se réveillait à peine, et pourtant le soleil était déjà haut. Amina s'affairait sur une pâte blanche qu'elle malaxait, sans doute était-ce pour son repas du midi.

"Oui. Très bien. Merci."

Masque de mort se leva, mit son tee-shirt, et se tint devant elle. Sa décision était prise.

"Je vous remercie pour votre accueil. Je dois partir maintenant."
"Comment ? Mais regardez " dit elle en montrant la pâte "j'ai fait tout ca pour midi. Je ne pourrais pas le manger toute seule, je pensais que vous alliez rester pour le repas."
"Je suis désolé. Vous mangerez le reste sans moi ce soir."
"Mais je ne peux pas ! Non, restez, s'il vous plaît..."

Elle insista tant que Masque de Mort fléchit et accepta. Apres tout, elle avait sans doute encore besoin d'une présence auprès d'elle. Mais ce prétexte qu'il se servit à lui-même sonnait faux.
 
 

Masque de Mort finit par rester toute la journée avec elle. Amina lui fit visiter le village, l'emmena avec elle quand elle partit chercher de l'eau au puits, à deux ou trois kilomètres de là. Le village était pauvre, mais Amina s'y sentait bien. Malgré la mort de son frère, elle voulait rester dans cet endroit. Elle parla de sa famille, et Masque de Mort éprouva pour la première fois du remords. Il avait privé cette fille si gentille de tous les siens.

"Mais c'étaient des traîtres !" disait une voix en lui. "Mais ils n'étaient pas dangereux" disait une autre. Masque de Mort ne savait plus quoi penser.

Le soir vint, et Masque de Mort retourna dans la maison avec Amina. Cette journée avait été si brève... Ils avaient discuté, mais c'était surtout elle qui parlait. Elle ne semblait pas curieuse, ne paraissait pas vouloir en apprendre davantage sur lui, mais en même temps, Masque de Mort se doutait qu'elle poserait des questions quand elle serait sure d'avoir des réponses.

Masque de Mort se sentait bien. Depuis longtemps, il n'avait jamais été aussi détendu. La seule présence d'Amina suffisait à calmer les instincts meurtriers qui le poussaient souvent à la violence. Mais sa présence aussi attisait ses remords. Masque de Mort n'était plus du tout sûr de l'utilité de ses actes, de la nécessité de ces exécutions.

Ils mangèrent à nouveau, et Amina eut à peine à insister pour qu'il reste dormir là cette nuit encore.


Masque de Mort sentit un contact dans son dos. Amina se couchait contre lui, sur le lit. Elle passa un bras au dessus de lui, et posa sa main sur son torse nu. Puis elle blottit son visage contre sa nuque.

"Amina ? Mais que fais-tu ?"
"Je ne suis pas aveugle. J'ai vu tes yeux."
"Que veux-tu dire ?"
"Je devine tes sentiments pour moi. Tu es transparent, tu ne peux dissimuler ton amour, car tu n'en as pas l'habitude. Tes yeux rient quand ils me voient, ils pleurent quand tu ne me vois pas."
"Je ne t'aime pas, si c'est ce que tu veux savoir." Masque de mort était vexé d'être ainsi percé à jour. "C'est vrai que je te regarde. Tu es belle, et je... réagis à ta beauté."

"Tu es un être étrange. Tu ne veux pas m'aimer ? Pourtant, tu es resté ici, cette nuit. Pourquoi ? Si tu me désires, tu aurais pu me prendre à tout moment aujourd'hui. Je n'aurais pas pu te résister. Tu es trop fort pour moi."
"Je ne comprends pas."
"Mais si, tu comprends. Tu es un chevalier du Sanctuaire. C'est toi qui a tué Kahal et ma famille, sur ordre du Pope. Tu as accompli ta mission, et maintenant tu as des remords. Mais tu n'es pas resté à cause d'eux, mais à cause de moi."

Masque de Mort se rendit compte qu'elle avait tout deviné depuis longtemps. Mais pourquoi alors était-elle restée avec lui ? Pourquoi l'avoir invité ? Il tourna son visage vers elle, cherchant une réponse.

"Pourquoi ? demandent tes yeux. Je vais te le dire. C'est parce que moi aussi, je ne veux pas te voir partir. Tu n'es pas le monstre que tu crois être. Tu as fait ton travail. Je ne t'en veux pas. Et maintenant, je ne veux plus que tu partes. Jamais."

Masque de Mort se tourna complètement, et Amina se serra à nouveau contre lui. Il s'aperçut qu'elle était nue. La vision de ses seins d'ébène fit monter la tension en lui, et son corps se mit à réagir indépendamment de sa volonté. Il tenta de retrouver ses esprits. Mais ces lèvres, si proches des siennes...

Amina passa ses bras autour de son cou, posant sa tête sur son torse. Masque de Mort humait le parfum de ses cheveux, sentait les tétons de sa poitrine contre sa peau. Son désir augmentait.

"Amina... Je... je peux pas..." Il essayait de résister à ses sens. "Je.. je suis le meurtrier de ton frère..."
"Chut." Elle releva la tête, et mit un doigt sur ses lèvres, l'empêchant de parler. "Je ne veux pas le savoir..." Des larmes apparaissaient dans ses yeux. "Je ne veux pas voir ton coté sombre, pour le moment. Je veux que nous profitions de cet instant, comme si rien n'était jamais arrivé avant, juste notre rencontre."


Masque de Mort se redressa, s'assit dans le lit, tenant Amina serrée contre lui. Il pencha la tête vers elle, et posa ses lèvres sur les siennes, timidement d'abord, puis avec plus d'assurance, prenant toute la bouche, passionnément, sa langue cherchant sa jumelle de l'autre coté des lèvres, avide de la rencontrer. Avide aussi était sa chair maintenant, qu'il sentait tendue dans son pantalon, pressée d'émerger de sa prison de toile pour rejoindre une prison de chair.

Ils se pressaient l'un l'autre, leurs mains parcourant le corps de l'autre. Il caressait son dos, tandis qu'elle griffait doucement le sien, semblant agacée par sa puissante musculature. Puis leurs lèvres se séparèrent, il la pencha vers l'arrière, soutenant gentiment son dos, pour embrasser sa poitrine. Il jouait de sa langue sur les tétons dressés, son visage pâle paraissant plus blanc encore sur la peau sombre dans la faible lueur de la lune. Puis elle revint à lui, l'embrassant encore, mais déjà ses mains repoussaient les draps, cherchaient les boutons. Masque de Mort gémit quand elle libéra son corps, et sa chair durcit encore, au contact des mains d'Amina.

Elle s'assit elle aussi sur le lit, lui faisant face, souriante, le regardant dans les yeux tandis que de sa main, elle donnait de petits coups destinés à raidir encore la colonne qui vibrait, impatiente. Puis elle le rejoignit, s'empalant sur lui. Ils tombèrent à la renverse, et se retrouvèrent au sol, riants tout deux. A nouveau ils s'embrassèrent, tandis que leurs corps enlacés bougeaient sans qu'ils leur commandent, connaissant par avance ce mouvement éternel.

Masque de Mort oublia le Sanctuaire, le Pope, sa mission, ses victimes. Rien ne comptait plus en cet instant qu'Amina et sa douceur, ainsi que la formidable sensation qui montait en lui. Quelques secondes ou quelques siècles plus tard, en un dernier spasme, il explosa, répandant en elle sa virilité. Ses yeux ne voyaient que des éclairs, il ne sentait rien hormis sa propre chair. L'univers avait disparu et seules restaient les parois de chair qui entouraient la sienne.

Masque de Mort retomba au sol, se cognant la tête contre la terre dure. Il sourit à sa maîtresse. Amina le regarda dans les yeux.

"Me diras-tu enfin ton nom ?"

Masque de Mort l'attira à nouveau à lui et lui chuchota son nom à l'oreille.
 
 

"Ca va ?"

Masque de Mort tenait Amina contre lui. Ils étaient tous deux couchés sur le lit minuscule, leurs jambes entrelacées. Amina s'éveillait, mais resta couchée, la tête posée sur le torse de son amant. Elle releva le visage vers lui, souriant de toutes ses dents.

"Oui, ca va. Ca n'a jamais été autant la forme."
"Ah bon ?" Il rit "Moi pas, j'ai l'impression d'être vidé !"

Ils rirent tous deux, puis elle déposa un chaste baiser sur ses lèvres.

"Il va être midi. Je vais faire à manger."

Elle se leva, nue, superbe, et enfila un vêtement. Masque de Mort sentit son désir s'éveiller encore.

Une partie de son esprit lui dit qu'il devait rentrer au Sanctuaire, que sa mission était terminée, qu'il devait quitter Amina maintenant, avant qu'il ne soit trop tard pour eux. Mais il ne voulut pas entendre cette voix qui parlait dans sa tête. Il se leva lui aussi, se couvrant des draps froissés par leur nuit passionnée, et la rejoignit près du fourneau, cherchant encore à l'embrasser.

Non, il ne retournerait pas au Sanctuaire. Son rôle de tueur à la solde du Pope était terminé.


Deux mois s'étaient écoulés, et Masque de Mort avait complètement oublié la raison de sa venue en Afrique. Il vivait désormais avec Amina, et le village avait parfaitement accepté sa présence. A sa propre surprise, il s'était montré sociable, bon avec tous, aidant ici ou là ceux qui avaient besoin de sa force extraordinaire ou de toute autre compétence qu'il possédait.

Mais le Pope ne l'avait pas oublié. Masque de Mort sentit un jour un cosmos, et un chevalier d'argent apparut devant lui. Masque de Mort comprit qu'il avait fait une erreur.

"Seigneur chevalier ? Je viens m'enquérir de votre mission. Le Pope s'inquiète de votre absence."
"Le Pope inquiet ? Je ne vois pas pourquoi. J'ai décidé de m'installer ici, mais je reviendrais au Sanctuaire quand le Pope m'enverra chercher. Puisque tu es la, transmets-lui ce message : 'ma mission est accomplie'."
"Mission accomplie ? En êtes vous sûr ?" Le chevalier d'argent regardait avec insistance Amina.
"Je te dis que ma mission est terminée. Cesse de regarder ma femme."
"Votre femme, Seigneur ? Le Pope est-il au courant ?"
"Non. Transmets lui donc ce message aussi : 'Je reste en Afrique avec ma femme'. Tu peux disposer."

Le chevalier eut un air mauvais que Masque de Mort nota. Il devait se méfier de lui.

"Soit, je m'en vais. Je doute que le Pope soit ravi, mais après tout vous êtes un chevalier d'or, et je ne peux rien faire pour vous en empêcher."

Le chevalier disparut. Amina regarda son amant, l'air inquiet.

"Ne t'en fais pas. Tant que je suis là, il ne peut rien contre toi. Je serais toujours là pour te protéger."
"J'ai peur quand même. Et si tu rentrais au Sanctuaire pour voir le Pope ?"
"Cela ne servirait à rien. Ne t'inquiètes pas."

Masque de Mort la serra contre lui. Malgré tout, il n'était pas rassuré. Le Pope était imprévisible.
 
 

Un cosmos ! Masque de Mort se réveilla en sursaut. Un cosmos le narguait, et cela avait suffi pour le tirer de son sommeil. Il se leva, regarda Amina endormie, mais il devait y aller, c'était un cosmos hostile. Il disparut en un instant, son armure déjà sur le dos.

Il apparut devant le chevalier d'argent. Ce n'était pas le même que celui qui était venu deux jours avant. L'aube se levait, et le soleil se reflétait sur l'or de l'armure.

"Que fais-tu ici ?"
"J'obéis aux ordres du Pope."
"Qui sont ?"
"Terminer ta mission."
"Quoi ?"

En un éclair, Masque de Mort fut à nouveau chez lui. Mais c'était déjà trop tard. Amina gisait dans son sang, une large blessure à la poitrine, aux pieds d'un autre chevalier d'argent.

"NOOOON !" Masque de Mort s'agenouilla près d'Amina. Elle vivait encore.

"Ne bouge pas, je vais te soigner, je vais t'emmener voir..."
"Ca... ne sert... à rien... tu le sais..."
"Non, non, tu peux pas me faire ça, tu peux pas me laisser ! Tiens bon, on y va."
"I.. nuti.. le... Je... t'ai... me..."

Masque de Mort se pencha, tandis que dans un dernier souffle, elle prononçait son nom, puis elle s'éteignit.

Masque de Mort se releva, des larmes coulant sur ses joues, hurlant sa détresse.

"Chevalier d'or, je suis étonné de vous voir ici. Si vous connaissiez la cachette de cette traîtresse, vous auriez dû..."
"Silence ! Tu joues mal la comédie. Tu savais qu'elle était ma femme..."
"Je l'ignorais. On m'a confié une mission, celle de tuer cette..."

Le chevalier ne finit pas sa phrase. Masque de Mort lui décocha un coup qui lui fit traverser le mur, le projetant jusque dans la rue. Le chevalier se releva lentement, se tenant la mâchoire.

"Chevalier du Cancer ! Je ne fais qu'obéir aux ordres !"

Masque de Mort s'approcha de lui, son regard n'avait plus rien d'humain.

"Ta gueule ! Tu vas crever !"

Le chevalier d'or se jeta sur son adversaire, lui décochant un coup dans l'estomac qui le plia en deux. Puis il le saisit à la gorge, et le souleva du sol.

"Que... que vas tu faire ?" Le chevalier tremblait.
"Te tuer. Je vais détruire ton corps et ton âme."

Masque de Mort porta un coup, puis deux, puis des centaines. Tout en maintenant le chevalier à bout de bras, il le martelait. Sa main écrasait, tranchait, perforait, des fragments d'armures volaient en tous sens, puis le sang jaillit, rougissant l'armure d'or.

Masque de Mort s'arrêta. Le chevalier était mort, son corps n'était que plaie. Il lâcha le cadavre sanglant qui s'écrasa au sol avec un bruit flasque. Il regarda autour de lui. Tout le village était là, le regardant avec peur.

Peur, oui ! Il faisait peur ! Il était le Cancer, le porteur de mort, et provoquait la terreur sur son passage. Masque de Mort se mit à rire à gorge déployée.

"Ahahah ! Vous avez vu ? Avez-vous vu l'étendue de mon pouvoir ? Je suis le chevalier d'or du Cancer, et vous, vous n'auriez jamais du voir ça !"

Sa sentence déclamée, le chevalier fonça dans la foule, tuant tous ceux qui se trouvaient sur sa route. Aucun témoin ne devait vivre. Personne ne devait survivre à Amina. Personne n'avait droit au bonheur, si lui-même n'y avait pas droit. Sa rage augmentait au fur et à mesure qu'il tuait.

"Mourrez ! Mourrez tous !"

Le chevalier d'argent qui avait servi de leurre apparut. Il mourut une demi-seconde plus tard, son coeur arraché de sa poitrine palpitant encore dans la main du chevalier fou furieux.

Quand Masque de Mort retrouva son calme, plus rien ne vivait dans le village.


L'homme qui s'agenouilla devant le Pope n'avait plus rien à voir avec celui qui avait accepté la mission quelques semaines plus tôt. Son regard était dur, un rictus ironique restait en permanence sur ses lèvres, narguant ceux qui le regardaient.

"Chevalier du Cancer, as-tu accompli ta mission ?"
"Oui, Grand Pope."
"Pourquoi as-tu mis si longtemps ?"

Masque de Mort releva le visage, regardant le Pope. Il ne cherchait pas tant à voir les yeux du Pope derrière les rubis du masque noir, qu'à montrer à celui-ci son propre regard.

"J'ai eu du mal à trouver la dernière survivante de la famille. Des chevaliers d'argent ont essayé de l'aider, mais je les ai retrouvés, et exécutés."

Ce mensonge était grossier, car le Pope avait lui-même envoyé ses tueurs. Mais Masque de Mort le savait, et en parlant ainsi, présentait un arrangement amiable. Chacun des deux savait que l'autre mentait, et que la vérité ne pouvait déboucher que sur un affrontement qui serait fatal. Masque de Mort ne pouvait qu'utiliser cette grossière échappatoire.

Le Pope accepta l'argument. Masque de Mort ravalait sa fierté, et se soumettait à nouveau. Mais il n'était pas dupe, et devait maintenant être attentivement surveillé. Le Chevalier du Cancer obéirait désormais à tout ordre du Pope car celui-ci pouvait à tout moment le faire exécuter pour le meurtre de chevaliers. Mais il pouvait aussi demander ce qu'il voulait au Pope sous peine de révéler qu'il avait du tuer des civils sur commande. Un pacte secret liait désormais les deux hommes.

"Dis-moi, chevalier, j'ai entendu dire que des visages étaient apparus sur les murs de la Maison du Cancer. Est-ce vrai ?"
"C'est la vérité, majesté. Ce sont les visages de ceux que j'ai tué. Je suis le Cancer, et quand je tue, les âmes de mes victimes ne peuvent rejoindre l'au-delà. Elles viennent se fixer sur les murs de ma Maison."
"Etrange. Chevalier ...."
"Seigneur, permettez moi de vous interrompre. Vous alliez prononcer le nom d'un homme qui est mort. Je ne suis plus celui qui est parti sur votre ordre. Mon nom est désormais lié à celui de ma Maison. Je me nomme le Masque de Mort."
"Masque de Mort ? Masque de Mort du Cancer. Voila un nom qui te va bien. Masque de Mort, tu es le plus violent des chevaliers d'or du Sanctuaire, celui qui a le moins de scrupules. Tu seras désormais mon exécuteur, car tu t'es très bien acquitté de ta dernière mission."

Masque de Mort s'inclina puis quitta le palais. Il retourna dans la maison du Cancer et se dirigea vers le mur de l'aile Ouest. Autour de lui, dans toute la maison, apparaissaient ici ou là des visages exprimant la terreur, la détresse, l'agonie. C'étaient les visages des villageois, des gens qui l'avaient accueilli à bras ouverts. Les visages étaient épars, et Masque de Mort savait déjà qu'il lui faudrait remplir les espaces vacants avec de nouveaux faciès. Il s'arrêta devant le mur, fit face au seul visage qui y apparaissait.

C'était celui d'Amina. Il ne l'avait pas tuée de ses mains, et pourtant son visage apparaissait dans la Maison du Cancer. Il savait pourquoi.

Quand il tuait, son cosmos en colère empêchait les âmes d'atteindre les Enfers, et les âmes se trouvant prises entre deux mondes venaient hanter sa maison, mais Amina était venue aussi le hanter, car son âme ne connaissait pas le repos. Tant que Masque de Mort n'accepterait pas sa mort, elle ne pourrait quitter ce mur.

Masque de Mort regarda le visage de celle qu'il avait aimée. Elle était toujours aussi belle. Contrairement aux autres, son expression ne reflétait ni terreur ni désespoir, juste un amour infini. C'était le seul visage souriant de la Maison.

Masque de Mort fit construire un mur pour dissimuler ce visage, mais garda une porte secrète pour venir le contempler tous les jours. Il tua les ouvriers qui avaient vu Amina, afin que nul ne découvre son secret.


Masque de Mort regarda le visage encore une fois, n'arrivant pas à se résoudre à fermer la porte.

"Amina " pensa-t-il "tu dois me maudire actuellement pour ce que je fais. Mais si je tue tant, c'est pour mon propre bien. Seul le meurtre m'apporte un réconfort, évacue ma colère. Je ne suis plus qu'une machine de mort au service d'un usurpateur, mais qu'importe. Je tue pour t'oublier."

Le visage ne bougea pas, mais Masque de Mort crut y déceler de la tristesse. Il secoua la tête, et ferma la porte.

"A demain, Amina..."
 
 

Masque de Mort savait qu'il ne parviendrait jamais à oublier son seul amour. Et le fait de savoir son âme prisonnière volontaire de sa Maison le rendait plus amer encore. Une seule chose pouvait la délivrer, ainsi que toutes les autres âmes figées sur les murs de sa Maison, c'était sa propre mort. Mais il était le Cancer, il était un chevalier d'or si puissant que jamais il ne serait vaincu.

Il tirait sa force de sa colère, de sa frustration d'avoir été privé d'une vie de bonheur, et transformait ces sentiments en cruauté et en puissance. Jamais un chevalier, quelque soit son rang, ne pourrait surpasser ces sentiments exacerbés et le battre.

Il ne pouvait y avoir qu'une seule solution. Il devait trouver un homme assez fort et tuer sa femme pour déclencher en lui la même colère que celle qu'il connaissait. Alors, et alors seulement, cet homme serait capable de le vaincre et d'apporter le repos à Amina.

Le jour où Masque de Mort rencontra Shiryu et Shunrei, il sut qu'il avait trouvé celui qu'il cherchait.


Fin de "Masque de Mort"
Prochain chapitre : "Aphrodite"