"Saint Seiya in Love : Hyoga et Naty"
Chapitre 1 : "L'ours polaire"
Je me nomme Natassha, Naty pour mes amis. Ceci est mon histoire.
Elle commence dans la peur.
"Natassha ! Recule-toi !"
Je ne pouvais reculer. J’étais paralysée par la peur.
"Naty !!!"
Mon père pouvait hurler, rien n'aurait pu me faire bouger. J’étais complètement tétanisée.
L'ours se dressait juste devant moi, immense. C’était une femelle, sans doute en quête de nourriture pour ses petits, car l'hiver était rude. Elle n'en était que plus dangereuse. Elle se tenait debout, brassant l'air de ses pattes avant, montrant crocs et griffes. Je n'avais encore jamais vu d'ours blanc de si près. Et surtout jamais en colère.
Ivan, mon petit frère, se blottit au creux de mon épaule, incapable de regarder plus longtemps. Je sentis contre ma cuisse une douce chaleur. Ivan n'avait pu retenir sa vessie, mais qui lui en voudrait ? La Mort nous faisait face.
Du coin de l'oeil, je vis mon père courir vers la maison, sans doute pour aller chercher son fusil. Mais il arriverait trop tard, c’était certain.
L'ourse était presque sur moi, paraissant plus énorme encore. Contre toute attente, je gardais les yeux ouverts, fascinée par cette situation où j'allais perdre la vie.
L'ourse se figea. Elle ne pouvait plus bouger. Une épaisse couche de glace emprisonnait ses pattes arrières, les soudant au sol gelé. Comment était-ce possible ?
Le jeune homme arriva aussitôt, et nous souleva de terre, mon frère et moi, et nous disant "Accrochez-vous". Mais j'étais toujours paralysée par la peur. En quelques enjambées, il nous éloigna du monstre, et nous déposa près de la maison. Puis il fit face à l'ours. Celui-ci finissait de briser la glace qui l'immobilisait. Le jeune homme s'approcha de l'animal, se tenant bien droit. Il n'avait pas peur. L'ours grognait en le regardant. Mon père arriva à cet instant et mis l'ours en joue.
"Attendez !" dit le jeune homme. "C'est juste un animal qui a faim. Elle va partir."
L'ours grogna encore, puis retomba sur ses quatre pattes, fit demi-tour et retourna dans la forêt.
Je n'avais jamais vu un spectacle pareil.
"Je comprends pas. Comment avez vous pu vous approcher de l'ours et enlever mes enfants sans vous faire avoir ?"
"C'est la glace, papa. L'ours a eu les pattes prises dans la glace." Ivan avait été aussi surpris que moi, mais il s’était bien remis de sa frayeur.
"Mais... comment a-t-il fait ? La glace ne se forme pas comme ça ! "
"Encore un mystère de la nature." Le sourire en coin du jeune homme était aussi mystérieux. J’étais sure qu'il y était pour quelque chose.
Je le dévisageais. Il était plutôt mignon, beau même. Sa tignasse blonde contrastait avec sa peau bronzée. On voyait bien qu'il passait le plus clair de son temps sur la glace, et la réverbération lumineuse avait foncé sa peau. Il portait un pull bleu et un pantalon noir, moulants, mettant en avant sa musculature. Il ne semblait pas particulièrement fort au premier abord, n'avait pas de biceps énorme comme les bûcherons du village, mais dans le moindre de ses mouvements, on voyait ses muscles rouler sous la peau. Il était élancé, félin, même. Oui, c’était cela. On devinait une grande agilité en lui, des capacités physiques extraordinaires et cachées, comme un chat apparemment malingre mais capable d'utiliser toute la puissance de ses muscles.
Le jeune homme se rendit compte que je l’observais, et il regarda vers moi. Je baissais les yeux, évitant son regard. Je ne savais pas pourquoi, mais je sentais que je rougissais.
"Alors, mademoiselle..." Il s'adressait à moi ! "...pourquoi n'avoir pas fui quand vous le pouviez ?"
"Je... j'avais trop peur..."
"Etrange. J'aurais pourtant juré que vous n’étiez pas le genre de fille qui tombe facilement de peur." L'ironie de sa voix me blessait. Je répondis du tac au tac.
"J'ai bien le droit d'avoir peur face à un ours, non ? Peut-être que vous n'en avez pas peur, parce que vous en êtes un vous-même ? On ne sait même pas votre nom !"
Mon père parut surpris. "Ah ! Mais c'est vrai, ça ! Nous ne nous avez même pas dit votre nom !"
"Je m'appelle Hyoga."
"Hyoga ? C'est étrange, vous avez pourtant l'air russe."
"Je le suis, à moitié. Mon père était
japonais."
Un Eurasien. C’était peut être cela qui lui donnait
son charme. Charme ? Qu’étais-je en train de penser, moi ?
"Alors, vous ne voulez pas rester ici ? Ma femme va rentrer de l'usine
dans peu de temps, elle serait heureuse de vous rencontrer."
"Je vous remercie, monsieur, mais je dois y aller." Il se tourna
vers moi. "Eh bien, au revoir mademoiselle..."
"Natassha." puis j’ajoutais timidement "Naty..."
"Au revoir, Naty. Tache de ne plus fâcher les ours."
Je le regardais partir, et murmurais son nom.
"Au revoir, Hyoga. A bientôt, j’espère."
Ma deuxième rencontre avec Hyoga eut lieu quelques mois plus tard, alors que je patinais sur un plan d'eau gelé en compagnie de mes amies. Je ne le vis pas arriver, continuant à m'amuser avec mes camarades, quand il m'interpella.
"Naty !" Je me tournais en tous sens, cherchant qui m'appelait. Je ne vis pas arriver une de mes meilleures amies qui me bouscula et je tombais sur la glace.
"Eh bien, Naty, tu aimes donc tant la glace que tu veux l'embrasser ?" Hyoga se moquait de moi, devant toutes mes amies. Mais il tendit la main et m'aida à me relever.
"Alors, Naty, tu nous avais pas dit que tu avait un petit ami..." Ma meilleure copine, Karina, me regardait d'un air entendu. Je rougis, tandis que Hyoga éclatait de rire.
"Mais... Mais non ! C'est celui qui m'a sauvée de l'ours ! Qu'est ce que vous imaginez, idiotes !"
Toutes regroupées autour de Hyoga, nous ne vîmes pas que l'une d'entre nous manquait à l'appel. Petrovni était une fille assez forte, et quand elle se rendit compte que la glace craquait sous son poids, elle n'osa plus bouger. Nous entendîmes son appel, faible. Elle n'osait pas crier.
"A l'aide, les filles..." Nous nous retournâmes, trop tard, la glace avait déjà cédé sous son poids et elle tombait dans l'eau glacée. Hyoga réagît immédiatement.
"Quittez la glace !" furent ses mots au moment où il plongeait dans l'eau glacée pour repêcher notre amie. Je ne pus retenir un petit cri de peur en le voyant disparaître dans l'eau si froide, mais il réapparut instantanément, tenant Petrovni, et la hissant avec précaution sur la glace.
"Il faut lui faire la respiration artificielle. Naty, va chercher de l'aide !" Je ne pus bouger, restant encore une fois paralysée par le choc. Quand je trouvais la force de bouger, une seconde ou deux plus tard, une de mes amies m'avait devancée. Je restais donc là, à regarder.
Ce que je vis me troubla plus que cela n'aurait dû. Hyoga posait ses lèvres sur celles de mon amie, lui pinçant le nez et soufflant dans ses poumons, puis appuyait sur sa poitrine à petits coups, et recommençait. La jeune fille finit par tousser, crachant de l'eau. Elle se contracta, ouvrit à moitié les yeux. Je réalisais alors que Hyoga avait sauvé une de mes amies. Cela devait être une habitude chez lui.
Il la souleva, ne parut pas le moins du monde gêné par son poids, et se mit à courir vers le village, en nous criant "Il faut la réchauffer. Où habite-t-elle ?"
Nous le guidâmes jusqu’à la maison de sa famille, et la mère de Petrovni ouvrit grand la porte en nous voyant arriver. Elle était presque hystérique, mais Hyoga la rassura.
"Mettez-la près du feu, déshabillez-la, elle ne doit pas garder ses vêtements mouillés. Et faites chauffer un grog. Ne vous en faites pas, elle s'en sortira très bien."
Le docteur arrivait lui aussi, et il entra dans la maison. Hyoga recula de quelques pas, s’écartant de la foule qui déjà se massait devant la porte. Je me rapprochais de lui, et constatais qu'il était trempé lui aussi.
"Hyoga, il faut vous changer, vous aussi, vous allez attraper mal."
Il parut réaliser la situation. "Hein ? Mais non, ça ira, je suis solide."
"Pas de mais, venez avec moi." Je pris son bras et le tirais presque jusqu’à ma maison. Mes parents n’étaient pas là, et mon frère était encore à l’école. Je repris ses conseils presque à la lettre.
"Mettez-vous près du feu, et déshabillez-vous. Je vais faire du grog."
"Mais, Naty... Je peux pas me... Enfin pas ici." Je compris soudain et rougis.
J'allais dans un coin, attrapais une couverture dans une malle et la lui tendis. Il la prit, l'air un peu surpris, mais finit par sourire.
"Merci." Nos regards se croisèrent, s’attardèrent même. Il avait des yeux si bleus, si purs. Mais il détourna le regard, et dit d'un ton ironique "Ok, mais n'en profite pas pour regarder !"
Je rougis encore et m'enfuis dans la cuisine.
Je revins quelques minutes plus tard avec deux bols de grog. Hyoga était assis sur le canapé, se réchauffant à la chaleur de la cheminée. Il avait ôté ses vêtements, et les avais mis près de l’âtre. Il s’était enroulé dans la couverture. Je réalisais que cela devait le gratter horriblement ! Je m'assis à coté de lui, et lui tendis le bol.
"Hyoga ? Voici votre bol. Buvez tant que c'est chaud."
"Merci. Mais tu peux me tutoyer."
"Je... d'accord."
"Je préfère qu'on se tutoie. On a le même âge,
j'aime pas qu'on me vouvoie comme ça, j'ai l'impression d'être
vieux."
"Je comprends. Merci pour Petrovni. C'est la deuxième fois
que tu nous aides."
"C'est rien. Merci pour le grog. Il est très bon."
Je rougis du compliment. Je me sentais ridicule. Je trempais les lèvres dans mon bol, avalais une gorgée du liquide brûlant.
Etait-ce le grog, dans lequel j'avais mis un peu trop de rhum, ou était-ce l'atmosphère de cette scène si intime ? Toujours est-il que je me sentais vraiment bizarre. Nous étions tous deux assis sur le même canapé, à boire le contenu de nos bols alcoolisés, il était nu sous sa couverture, la chaleur de l'âtre nous enveloppait. Je me sentais brûlante, comme prise de fièvre, mais j'étais en même temps étrangement bien. Hyoga... Je jetais des coups d'oeil vers lui, furtivement, me demandant ce qu'il pensait de moi. Il avait l'air distant, absorbé dans ses pensées. Il était si beau... Je me rendais compte petit à petit que j'étais déjà amoureuse.
Je le surpris à jeter lui aussi un regard rapide vers moi. Je rougis immédiatement, et me plongeais dans mon bol afin qu'il ne le remarque pas. Que pensait-il ? Pourquoi me regardait-il ? Me trouvait-il jolie ?
"Je... Naty, j'étais venu voir ton père. Crois-tu qu'il
va rentrer bientôt ?"
"Je ne sais pas. Nous sommes peut-être seuls pour un moment..."
Mon coeur battait si fort dans ma poitrine. Chut ! pensais-je. Ne bats
pas si fort ! Il va l'entendre !
Je me rapprochais imperceptiblement de lui, glissant sur le canapé. Ma main effleura sa cuisse. Ce contact m'électrisa. Il tourna son visage vers moi.
"Naty..." Sa voix était douce, chaude. Je me sentais prête à dire oui à tout ce qu'il demanderait.
"On peut savoir ce que vous faites, tous les deux ?" La voix bourrue de mon père me fit sursauter.
Apres que nous ayons dissipé le malentendu, mon père éclata de rire. Il félicita Hyoga pour son courage, et moi pour l'avoir invité à se réchauffer ici. Mon père semblait admirer Hyoga, et le tenir en haute estime. J'en étais heureuse. Hyoga avait remis ses vêtements, désormais secs, et nous étions assis tous les trois autour de la table du salon.
Hyoga prit soudain un air plus sérieux. Mon père réagit aussitôt et devint lui aussi grave.
"Monsieur, j'ai quelque chose à vous demander, à propos de Naty." Mon coeur faillit exploser dans ma poitrine. "Mais avant, je dois vous avouer quelque chose."
Mon père ne répondit pas, le laissant parler. Hyoga se leva, prit un tison dans le feu et revint s'asseoir.
"Regardez" dit-il. Que voulait-il faire ? Je vis le tison noircir, perdant sa chaleur, puis geler dans la main de Hyoga. Je compris alors. C'était lui qui avait immobilisé l'ourse !
"Ca alors !" Mon père n'en revenait pas. "Vous êtes un chevalier ?"
Chevalier ? Je n'en avais jamais entendu parler. Hyoga parut surpris que mon père connaisse ce mot.
"Vous connaissez ?"
"Et comment ! Un chevalier m'a un jour sauvé, alors que j'étais
perdu dans la forêt, et que j'avais un loup aux trousses. Sans lui,
je serais sans doute mort. C'était il y a longtemps, mais je n'oublierai
jamais cet homme."
"Comment était-il ? Grand, les cheveux bleus-verts, longs
? Des sourcils froncés mais exprimant la bonté ?" Les yeux
de Hyoga brillaient.
"Oui, c'est ça. Le connaissez-vous ?"
"C'était mon maître, Camus. Un saint homme." Hyoga
comprit le regard interrogatif de mon père." Non, il est mort, aujourd'hui."
"Dommage. J'aurais aimé le revoir."
Un silence se fit. Des images semblaient passer par leurs esprits à tous deux. Ils partageaient quelque chose et j'en étais exclue. Cela me vexa.
"Voila ce que je suis venu vous demander. Vous vous souvenez de l'ours,
je suppose."
"Oui. Je comprends maintenant que c'est vous qui avez sauvé
mes enfants. La glace autour de ses pattes..."
"Non. Justement, c'est l'objet de ma visite. Ce n'est pas moi qui
ai immobilisé l'ours. C'est Naty."
Je fus si surprise que j'en restais coite, la bouche ouverte mais ne pouvant prononcer aucun son. Mon père le fit pour moi.
"Comment ? Naty ? Mais ce n'est pas poss..."
"Si, c'est elle. Elle ne le sait pas encore, mais elle dispose déjà
de grands pouvoirs. C'est sous l'effet de la peur qu'elle a pu inconsciemment
s'en servir."
"Mais je n'ai pas de pouvoirs !" J'arrivais enfin à parler.
"Tout le monde possède en lui la force que je vous ai montrée.
Avec de l'entraînement, on peut apprendre à s'en servir. Mais
toi, tu as un pouvoir latent plus grand. Tu n'es pas un troll, une créature
magique ou un monstre, tu es juste douée pour ça. Comme une
voyante se sert de ce même pouvoir pour prédire l'avenir.
Tu as un don plus fort que les autres gens, c'est tout."
"Mais que voulez-vous exactement ?" Mon père était
soucieux.
"Naty a un don. Il serait dommage de ne pas l'exploiter. Je viens
vous demander si vous accepteriez que Naty vienne s'entraîner avec
moi, pour devenir chevalier."
Je ne savais comment réagir. Hyoga me demandait de venir avec lui, mais en même temps je savais qu'il n'était pas venu pour moi, mais pour ce pouvoir que j'étais censée posséder. Je ne savais plus quoi penser de lui.
"Je comprends." Mon père était bien sérieux.
"Mais je dois en parler à ma femme, et à Naty, bien sur."
"Oui, évidemment. Ce n'est pas une décision facile."
Hyoga se leva.
"Prenez votre temps pour réfléchir. Je repasserais dans deux ou trois jours. Si vous pouviez vous décider d'ici là..."
"Oui. Comptez sur nous." Mon père serra la main de Hyoga.
"Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à ma
fille. Venant de la part du disciple de celui qui m'a sauvé la vie,
je ne peux qu'en être fier. Mais en même temps..."
"Je saisis. Ne vous en faîtes pas. Si elle vient avec moi,
elle pourra revenir vous voir. Mais réfléchissez bien. Au
revoir."
Hyoga partir, sans s'adresser à moi. Sans me dire au revoir. Il avait discuté de mon avenir avec mon père, mais pas avec moi.
"Non, je n'irais pas !"
Mon père me regarda furieusement. J’étais près de ma mère et nous faisions front. Mon père était obstiné et quand il avait décidé quelque chose, il était difficile de le faire changer d'avis.
"Ecoute, Naty. Tu as un pouvoir, et ce serait bête de le gâcher.
Il te l'a dit. Tu dois l'accompagner."
"Chéri, écoute." Ma mère prenait ma défense.
"Si elle ne veut pas..."
"Mais pourquoi elle voudrait pas ? C'est quand même pas la
mort ?"
"Mais si elle ne veut pas quitter la maison ?"
"Il faudra bien qu'elle la quitte un jour. Ne serait ce que pour
vivre chez son mari."
"Mais justement ils ne sont pas mariés. Je refuse qu'elle
aille vivre avec un inconnu."
"Et puis" ajoutais-je "je sais même pas s'il a déjà
une petite amie. S'il le faut, il est déjà marié.
Je veux pas y aller."
"Bin justement, dans ce cas là, tu risques rien."
L'argument avait porté, mais ma mère ne se décourageait pas.
"Elle ne veut pas quitter le village. Et ses études ?"
"Ses études ? Tu disais que tu voulais qu'elle entre à l'usine avec toi ! Tu n'as jamais envisagé qu'elle puisse faire des études. Et en plus, elle peut très bien en faire avec ce chevalier. Il n'a pas l'air plus bête qu'un autre. En tout cas, il a l'air mieux éduqué et plus intelligent que ton frère, qui prétend être un génie !"
"Oh ! Ne parle pas comme ça de mon frère ! Je l'ai jamais vu ce chevalier, je veux pas que ma fille parte avec un inconnu."
"Il repassera demain soir. Tu pourras le rencontrer."
Ma mère, hésita, à court d'arguments, puis quitta le salon et s'enferma dans sa chambre. Je restais seule avec mon père, il regardait mon air renfrogné avec colère.
"Ne fais pas cette tête. Tu partiras avec Hyoga, c'est décidé. De toutes façons, tu n'en mourras pas."
"Dommage pour toi, ça te ferait bien plaisir, si tu étais débarrassé de moi !" Mon père fut choqué par ces paroles et m'envoya dans ma chambre. Je m'effondrais sur mon lit.
Je souriais. Mon plan avait marché comme prévu. Si j'avais accepté, mes parents auraient refusé, mais maintenant, j'étais sure de pouvoir rejoindre Hyoga !
"Ecoute, Naty, si tu ne veux pas devenir chevalier..."
Hyoga avait l'air désolé. Le repas chez mes parents avait été tendu, et j'avais joué la mauvaise tête toute la soirée, tandis que ma mère contenait à peine ses larmes et que mon père tentait de rassurer Hyoga en lui disant que c’était le fait de me voir partir qui les rendait tristes. Hyoga avait semblé accepter l'argument, et renouvelait sans arrêt ses promesses que tout se passerait bien. Vint le moment des adieux, et j'embrassais mes parents avec toute la conviction et la détresse de la jeune fille qui part en pension. Hyoga attendit que l'on ait quitté le village pour parler franchement avec moi.
"Je ne suis pas aveugle, j'ai bien vu que ta mère..."
"Non, tu n'as pas compris. Je veux venir avec toi, je veux développer
mon pouvoir" ajoutais-je précipitamment, afin qu'il ne perce pas
tout de suite mes sentiments. "J'ai joue la comédie à mes
parents sinon ils ne m'auraient jamais laissée partir."
Hyoga sourit. "Oh je vois... Tu es une petite futée..."
"Petite ?" je pris un air faussement outré. "N'est ce pas
toi qui me disait que nous avions le même âge ? Et je suis
loin d’être petite par la taille !"
"D'accord d'accord ! Je m'excuse. Mais je te préviens, pas
question de me tourner en bourrique comme tes parents. Désormais,
tu es mon disciple, et tu devras m’obéir, et jamais me mentir."
"Oui, maître !"
"Et ne m’appelle pas Maître, j'ai l'impression de vieillir
de dix ans d'un coup !"
"A vos ordres, chef !"
La cabane de Hyoga était en fait un petit chalet, perdu au milieu de la toundra. Contrairement à ce que je redoutais, elle était plutôt bien tenue. Mais si austère. Je découvrais l'endroit où vivait Hyoga, et me rendis compte que la maison lui ressemblait un peu. Propre, bien entretenue, sans défaut apparent. Parfaitement présentable, mais manquant un peu de fantaisie. Il m'appartenait à présent de transformer l'habitation et l'habitant.
"Voici ta chambre." Hyoga me montra la chambre, suffisamment grande
pour deux personnes, mais ne comptant qu'un lit simple, et une armoire.
"Ouah ! Elle est plus grande que celle que j'avais !"
"C’était la chambre de mon maître. Je préfère
conserver la mienne, à coté du salon."
Hyoga me fit visiter la maison, et je m'appropriais immédiatement la cuisine.
"Bien ! A partir de maintenant, c'est moi qui fait les repas !"
"Comment ca ? Mais non ! Tu es là pour t’entraîner,
pas pour faire le ménage et la cuisine. Les tâches seront
partagées. Tu dois passer le plus de temps possible à t’entraîner.
Tu a beaucoup de retard à rattraper."
"Du retard ? Mais tu disais que j’étais douée."
"Tu l'es. Mais j'ai commencé mon apprentissage à l’âge
de huit ans, et il a duré six ans. A ton âge tu serais déjà
chevalier si tu avais commencé comme moi. Il vaut mieux que tu t’entraînes
dur, si tu veux y arriver plus vite. D'autant que tu as dépassé
l’âge où les muscles et les os se forment. Tu a un avantage
au niveau du pouvoir, mais un désavantage physique."
"Alors pourquoi venir me chercher, si tu penses que j'y arriverais
pas !" Je quittais la pièce en sanglots et m'enfermais déjà
dans ma chambre. J'entendis Hyoga pousser un cri de rage.
"Raah ! Mais pourquoi, Camus, pourquoi ?"
Je n'y peux rien, je suis une peste.
Chapitre 2 : "Dans la chaleur de la nuit polaire"
"Bien. Maintenant, tu entames une série de pompes."
"Encore ! Mais j'en ai déjà fait cent tout à
l'heure !"
"Le jour où tu sauras en faire mille, tu pourras arrêter
d'en faire."
"Pffff ! "
J'exprimais bruyamment mon mécontentement mais obtempérais. Je ne discutais pas les ordres de Hyoga. J'avais vite compris qu'il était plutôt bon avec moi, et que l’entraînement aurait dû être beaucoup plus dur. Depuis quatre mois déjà, je faisais des exercices tous les jours, plus difficile à chaque fois. Hyoga était exigeant, mais il m'avait fait comprendre que c’était la seule façon d'atteindre le niveau des chevaliers. Il m'avait fait une démonstration de sa force, et j'en étais restée bouche bée. La petite couche de glace autour des pattes de l'ours, mon seul exploit, était à des années lumières de sa force !
J’appris par le petit Jacob que Hyoga était le plus puissant chevalier des glaces ayant jamais existé. Mais il continuait encore à s’entraîner, soit-disant pour garder la forme, mais je découvris qu'il mettait en fait au point une nouvelle technique.
Hyoga était savant. Pour moi, en tout cas, il l’était. Il n'avait jamais fait d’études mais son maître lui avait enseigné ce qu'il fallait savoir pour devenir un bon chevalier. Nous passions des heures, le soir, à discuter, et j'apprenais beaucoup. Son domaine de prédilection était la physique nucléaire, et il lisait beaucoup d'ouvrages sur ce sujet. Ce n’était pas une passion éloignée de son rôle, car Hyoga avait atteint les limites des chevaliers de glace, et avait désormais besoin de connaissances sur la structure même de la matière pour pouvoir affiner ses compétences en glaciation. Tout ce qui touchait à la cryogénie l’intéressait aussi. La plupart de ses lectures étaient liées à sa formation.
Mais pas toutes ses lectures. Un jour en faisant le ménage,
je découvris planquées sous son matelas quelques revues érotiques.
Mon imagination me montra immédiatement Hyoga tout nu en train de
lire ces journaux, et je dus chasser ces pensées pour pouvoir à
nouveau le regarder dans les yeux sans rougir. Mais à partir de
ce moment-là, je le trouvais plus... désirable.
Un éclair bleuté apparut et dans l'instant, un chevalier fit face à mon maître, à quelques pas de moi. Ou plutôt une femme chevalier. Elle était grande, rousse, et plutôt élancée. Elle portait des vêtements rouges et noirs, ainsi qu'une armure bleue où le motif de l'aigle était répété plusieurs fois. Hyoga lui donna l'accolade et prit le pli qu'elle lui remit. Pendant qu'il lisait, elle se tourna vers moi. Je fus surprise car elle portait un masque métallique qui dissimulait entièrement son visage. Elle dit deux mots à Hyoga et ils s’approchèrent.
"Bonjour. Vous êtes donc son disciple."
"Oui. Mon nom est Naty." Je me relevais et lui serais la main.
"Marin, chevalier d'argent de l'Aigle. Enchantée."
Nous discutâmes de choses et d'autres pendant quelques minutes, mais je ne savais vraiment pas comment me comporter face à ce masque. Qui pouvait donc se cacher derrière ?
Quand elle fut partie, je me tournais vers Hyoga.
"Hyoga, pourquoi portait-elle un masque ? Elle a été
défigurée ?"
"Non. C'est la coutume du Sanctuaire. Toutes les femmes chevaliers
portent le masque."
J'eus un frisson. Allais-je devoir moi aussi porter cette horreur ? Hyoga vit ma réaction et rit.
"Rassure-toi, tu n'en porteras pas, si tu veux. Athéna a aboli cette coutume il y a quelques temps. Mais certaines femmes portent ce masque depuis si longtemps qu'elles n'envisagent pas de le quitter."
Je poussais un soupir. Je l'avais échappé belle !
J'avais soif, et me levais pour aller chercher un verre d'eau. Il était plutôt rare que je me lève ainsi en pleine nuit. Je me rendis à la cuisine et me versais un verre d'eau minérale. La Fondation avait fait tous les travaux nécessaires, et nous disposions, malgré notre isolement, d'un groupe électrogène et d'une citerne d'eau potable, ainsi qu’un système d’épuration mous permettant de disposer de l’eau courante, bien que celle-ci ne soit pas potable. Nous avions tout le confort nécessaire, mais je n'aimais pas le goût de l'eau du robinet. Sans doute les conduits n’étaient pas de la meilleure qualité possible.
J'allais repartir quand je vis un peu de lumière. Hyoga ne dormait donc pas ? Je m'approchais doucement, et écoutais à travers la porte. Un faible bruit me parvint mais je n'arrivais pas à l'identifier. Je regardais par le trou de la serrure, et faillis en lâcher mon verre.
Hyoga était étendu sur son lit, une de ses revues dans la main gauche, et il se... les mots me manquèrent sur le moment. J’étais sidérée de voir qu'il se comportait encore comme un adolescent boutonneux, s'astiquant comme le moindre collégien en rut. Dans le même temps, j'avais honte de moi car je n'arrivais pas à détacher mes yeux de son corps nu, et surtout de ce qu'il tenait en main ! Je sentais que mes joues étaient écarlates, et je me surpris à répondre malgré moi à cette tension, mon propre corps vibrant comme s'il était à la place de cette main.
Je m'enfuis immédiatement dans ma chambre, ne voulant pas briser son intimité, et sentant surtout que j'étais capable, dans mon état, de me jeter sur lui et de briser ainsi le maigre lien d’amitié que j'avais réussi à tisser entre nous. Je me jetais sur mon lit, mais les images restaient devant mes yeux. Ce ne fut que lorsque j'eus contenté mon corps qu'enfin les visions cessèrent et que je pus me rendormir.
Le lendemain, ni lui ni moi n’étions très en forme pour l’entraînement.
"Hyoga, que faisons-nous ici ?"
"Je tenais à ce que tu m'accompagnes. Tu aurais fini par
me suivre et je ne veux pas que tu fasses ce que je vais faire."
Ses propos étaient mystérieux. Tout comme le fait d’être venus sur cette banquise avec un bouquet de fleurs et une couverture.
Hyoga s’avança sur la glace, s'agenouilla, et donna un formidable coup de poing sur la surface gelée. Sous l'impact, la glace explosa, et un trou apparut au milieu de la couche gelée sur plusieurs dizaines de centimètres. Hyoga se releva, prit le bouquet de fleurs, me dit "Attends-moi là" et plongea dans l'eau glacée.
Je ne comprenais pas où il voulait en venir. J'attendis donc qu'il remonte mais au bout de cinq minutes, il n'avait donné aucun signe de vie. La peur commença à glisser sur mon esprit. Je savais qu'il était fort, mais je ne pouvais empêcher le doute de s'installer en moi. Dix minutes. Je regardais autour de moi, cherchant une aide éventuelle. Douze minutes. Je scrutais ma montre, folle d’inquiétude. Personne ne pouvait résister aussi longtemps dans une eau aussi froide.
Hyoga sortit enfin de l'eau. Plus de quatorze minutes. Je me jetais sur lui, posant la couverture sur son dos, le frictionnant, et l'engueulant. Il ne paraissait pas être mal, seules ses lèvres étaient bleuies.
"Mais ça va pas, de me faire une frayeur pareille ? J'ai cru
devenir folle !"
"Désolé."
"Mais qu'est ce que t'es allé faire là dessous ? Tu
voulais m’épater ou quoi ?"
"Je suis allé voir ma mère."
Je restais sans voix. Hyoga me raconta toute l'histoire, le naufrage, le retour au Japon, le tirage au sort qui l’avait renvoyé en Sibérie, ses visites à sa mère, Isaac qui l'avait aidé, et Camus qui avait coulé le bateau. Hyoga revenait de temps en temps ici, et allait encore voir sa mère, malgré la profondeur gigantesque qui les séparait.
Je réalisais maintenant que je ne le connaissais pas vraiment.
Nous rentrâmes à la maison, et je lui préparais un grog, comme en ce jour où il avait plongé, à une profondeur O combien dérisoire, pour sauver mon amie.
"Hyoga, c'est qui ces filles ?"
Je lui présentais les photos que j'avais trouvées en rangeant un placard plutôt en désordre. La maison de Hyoga, comme lui, était impeccable au premier abord mais les placards, tiroirs et autres commodes étaient remplies de choses sans aucune logique. Juste une apparence d'ordre, cachant un chaos indescriptible.
"Ah." Hyoga ne semblait pas particulièrement heureux de revoir
ces photos. "Ce sont mes ex."
"Tes ex ? Eh bien, je ne te savais pas si grand séducteur
!"
J’étais surprise. Comment aurais-je pu imaginer qu'il avait eu trois petites amies ?
"Tu peux m'en parler ? Ca m’intéresse."
"Si tu veux. Je préférerais oublier, mais..."
"Non, vas-y. Ca te fera du bien."
Je lui dis cela avec un grand sourire. Il me sourit aussi, et nous nous assîmes dans le salon.
"Bon. Alors, celle-ci, c'est Erii. Elle travaillait pour l'orphelinat. Un jour elle a été possédée par Eris, la déesse de la Vengeance. Nous sommes allés la sauver, elle et Athéna, mais par la suite elle a gardé des séquelles. Elle devenait paranoïaque, voyait le mal partout. Elle voulait absolument qu'on se fiance, elle se collait toujours à moi pour chercher une protection. J’étais assez gêné, et petit à petit, je l'ai laissée tomber."
Des images dansaient devant ses yeux, des souvenirs de joies et de peines.
"Celle-ci, c'est Freya. Elle vit en Fenngard. Ca a été très bref entre elle et moi, elle avait beaucoup à faire avec la reconstruction de son pays. Et puis, j'ai dû partir à nouveau en guerre. La troisième, c'est Flamme, la soeur de Hilda. Je me suis battu pour elle, contre son ex-copain, Hagen. Mais après mon retour des enfers, quand j'étais ambassadeur en Asgard, elle aussi s'est montrée trop collante. J'ai besoin d'un peu de liberté, et elle voulait absolument que je remplace Hagen. Elle me donnait ses livres à lire, m'offrait des vêtements semblables à ceux de Hagen. J'ai vite compris qu'elle ne voyait en moi qu'un substitut. J'ai laissé tomber."
Au fur et à mesure qu'il parlait, je découvrais un aspect de sa personnalité qui m'avait complètement échappé. Je commençais à comprendre. Je devais le tester.
"Hyoga, dis-moi... comment était ta mère ?"
Il parut surpris du changement de sujet, mais répondit.
"Elle était très belle. Elle était douce, gentille,
mais elle avait aussi beaucoup de force en elle. Elle n'avait jamais cessé
d'aimer mon père malgré qu'il nous ait abandonnés."
"Elle était blonde ?"
"Oui. Comment le sais-tu ?"
Bon sang, quel idiot ! Il était complètement incapable de lire son propre coeur. Il n'avait pas encore réalisé qu'il n'avait pas laissé tomber ces filles, que c’était elles qui l'avaient délaissé en réalisant son immaturité. Il avait trouvé trois filles qui ressemblaient physiquement à sa mère, mais avait ensuite réalisé qu'elles ne pouvaient la remplacer, et instinctivement, son comportement s’était modifié. Ces filles avaient sans doute aimé Hyoga au début mais son changement avait dû leur montrer, comme je le découvrais maintenant, que jamais Hyoga ne pourrait oublier sa mère, et cet obstacle leur parut insurmontable. Mais moi, je ne me découragerais pas. Je bénis le ciel d'avoir hérité de ma mère ses merveilleux cheveux bruns.
"Tu es blond toi-même, et si ton père est japonais,
je suppose que ta mère..."
"Ah oui. C'est logique."
Je ne devais pas révéler que j'avais découvert son secret, sa faiblesse. La partie allait être serrée, mais je devais réussir à lui faire oublier ce fantôme. J’étais sure que depuis l’au-delà, elle m'en serait reconnaissante.
"Allez ! Qu'est ce que tu attends !!"
Je n'en pouvais plus. Je n'aurais pas du remuer ces souvenirs, car dans les jours qui suivirent, l'humeur de Hyoga devint plus sombre. Il me menait la vie dure et ne tolérait plus la moindre erreur pendant l’entraînement.
"J'en peux plus Hyoga, je suis crevée." J'allais abandonner.
J’étais à bout de force.
"Bon sang, qu'est ce que ça veut dire ? Tu veux devenir chevalier
ou non ?"
"Quoi ? Mais c'est toi qui es venu me chercher !"
"Mais je t'ai demandé ton avis. Si tu veux pas t’entraîner,
tu peux partir."
Mais quel imbécile ! Il n'avait encore rien vu, rien compris ! J'allais le secouer un peu.
"Venant de quelqu'un qui n'a jamais fait de progrès, je prends
plutôt mal la critique !"
"Que veux-tu dire ? Si tu as quelque chose à me reprocher..."
"Oui, j'ai quelque chose ! Quand vas-tu te décider à
couper le cordon ombilical ?"
Il resta sans voix, et j'en profitais pour rentrer. Je l'entendis
derrière moi, qui m'appelait pour me sommer de rentrer, mais je
ne me retournais pas. Il devait méditer sur mes paroles.
Je n'arrivais pas à dormir, cette nuit-là, et je me retournais dans mon lit. J'entendis soudain de faibles bruits. Je me levais, cherchant d'où cela venait. J'approchais de la chambre de Hyoga, et réalisais que c’étaient des sanglots. Au diable sa pudeur ! J'entrais dans sa chambre.
Hyoga était prostré sur son lit. La chambre n’était éclairée que par la lumière de la lune passant par la fenêtre. La lueur bleutée rendait la scène plus étrange encore. Hyoga faisait un cauchemar. Il dormait encore, mais sanglotait, et des larmes coulaient sur son visage.
Je m'assis doucement sur le lit, près de lui. Ma présence le fit réagir et il se réveilla subitement, esquissant un geste de défense. Il réalisa alors qu'il rêvait, je vis que le ridicule de la situation le gênait, mais ses nerfs lâchèrent. Il m'attrapa par la taille et enfouit son visage dans les plis de ma chemise de nuit. Il ne retint pas ses larmes et pleura tout son saoul.
"Pourquoi, Naty ? Pourquoi je fais toujours ces cauchemars ? Pourquoi
je n'arrive pas à l'oublier ?"
"Je te l'ai dit, Hyoga. Tu n'es encore qu'un enfant."
"J'en ai assez..." Son ton était suppliant. En cet instant,
il était vraiment un enfant.
"Hyoga, écoute-moi. Je t'aime. Je t'aime de tout mon coeur.
Le jour où tu seras capable de le comprendre et de réagir
en fonction, tu seras enfin un homme. J'attendrais jusque là."
Je me déplaçais un peu sur le lit, et posais sa tête sur mes genoux. Je le laissais pleurer tout en caressant ses cheveux. J'attendis qu'il s'endormit. Avant de trouver à nouveau le sommeil, il murmura "Arigato, Mama".
Je laissais les larmes couler sur mon visage. L'adversaire était vraiment très forte. Mais je ne la laisserais pas gagner.
Le lendemain, Hyoga ne savait pas trop comment réagir envers moi. Il se sentait un peu honteux de m'avoir montré ainsi sa faiblesse, mais je savais qu'il était aussi troublé par la déclaration que je lui avais faite. Il ne l'avait pas enregistrée sur le coup, mais elle lui était apparue clairement à son réveil.
J'avais joué franc jeu, et je devais maintenant attendre. Mais je ne devais pas rester inactive. Hyoga allait tenter de me "séduire", c'est à dire de m'installer dans un rôle de substitut maternel. Sans le vouloir, je l'avais conforté dans cette idée la veille en me comportant comme une mère pour lui, le consolant, le rassurant. Je devais maintenant casser cette image, et l'obliger à me voir d'une façon différente.
"Naty... Hier soir... Tu... Je..." Il semblait incapable de formuler sa pensée. Je ne devais pas l'aider. Je résistais à la tentation. Je répondis plus sèchement que je ne l'aurais voulu.
"Que veux-tu dire ?"
"Eh bien, merci. Pour ton aide. Je... c'est la première fois
que..."
"Hyoga. Laisse tomber. J'ai fait une erreur. Je n'aurais pas dû
rentrer dans ta chambre."
"Non, non, tu as bien fait. J'en avais vraiment besoin."
Merde. Il revenait à son rôle de petit garçon. Je devais lui botter le train.
"C’était quand même une erreur. C’était la première et la dernière fois que je te consolais comme ça. La prochaine fois, tu pleureras tout seul. J'ai pas envie de me ruiner le moral comme ça."
Il parut accepter l'argument. Ouf ! Il ne voulait pas me faire de peine, et acceptait de se priver de réconfort pour moi.
"Je... au sujet de ce que tu m'as dit..."
"Que je t'aimais ? C’était la vérité. Je t'aime
depuis longtemps déjà. Mais plus le temps passe, et plus
je doute de jamais pouvoir te séduire. Je ne sais pas quoi faire."
"Peut-être..."
Hyoga hésitait. Allez, dis-le ! Dis-le ! Si tu le dis, j'accepterais !
Mais Hyoga ne finit pas sa phrase. Je réprimais un geste de découragement. Je dus aussi résister à l'envie de me jeter à son cou, de renouveler ma déclaration. Il devait bouger le premier. C’était nécessaire. Pour lui, je tiendrais le coup, je ne devais pas abandonner comme toutes les autres. Si je tenais bon, j'aurais gagné. Hyoga avait en lui la force pour briser ses propres barrières. Mais il avait peur de le faire, et cherchait quelqu'un pour l'aider, ce qui ne servait à rien. Je ne devais pas l'aider. Mais c’était si dur...
Nous mangions en silence. Les repas devenaient un calvaire. Il n'arrivait pas à faire le premier pas, et je devenais chaque jour plus froide, plus tyrannique avec lui. Depuis ma déclaration trois jours plus tôt, Hyoga n'avait pas pu aborder un sujet personnel. Je ne pouvais moi-même engager la conversation sur ce sujet, au risque de le perdre à jamais. Nos conversations se bornaient désormais à des platitudes, et des ordres qu’il me donnait pour l’entraînement. Nous évitions même de nous regarder.
La nuit, je pleurais en silence, libérant toute la tension de la journée. Jamais je n'ai vécu d'heures aussi éprouvantes. Je maudissais sa mère pour ce qu'elle avait fait de lui.
Cette nuit-là, j'étais au bord du désespoir. Je sentais que je pouvais craquer à tout moment, et que cela aurait tout détruit. Je me raccrochais à mon idée, je devais attendre encore. Ce que j'avais semé n'avait pas encore germé. Son esprit était-il donc si infécond qu’il ne puisse réfléchir seul ?
Un bruit. Je me relevais dans mon lit, et vis sa silhouette dans l'embrasure de la porte. Il avait osé entrer dans ma chambre !!!
Hyoga s’avança et je vis dans la faible lumière qu'il était nu. Il vint près de moi, souleva les draps et entra dans le lit. Il se serra contre moi. Je sentis l'odeur salée des larmes, et j'eus un instant de désespoir. Non ! Pas encore ! Il ne devait pas venir pour être réconforté ! Mais mon trouble était si grand...
"Merci, Naty." Il chuchotait a mon oreille. "Merci. Ca n'a pas dû être facile pour toi. Mais j'ai compris. Tu es vraiment extraordinaire."
Dis-le ! dis-le ! Je me refusais à parler tant qu'il n'aurait pas fait cet effort. Je me refusais à bouger, malgré son corps nu que je sentais pressé contre moi. Malgré sa chair, que je sentais tendue, contre mon flanc.
"Merci, Naty. Je t'aime."
Mon coeur faillit sortir de ma poitrine. Enfin !
Enfin je l'avais arraché à l'amour étouffant d'une mère décédée ! Enfin j'avais conquis son coeur en l'obligeant à se regarder en face ! J'avais tué l'enfant qui était encore en lui, et avais fait de lui un homme ! Quel bonheur ce fut pour moi, cette nuit là, quand enfin il me prit !
Chapitre 3 : "(Re)naissance"
"Hyoga, tu veux pas ton petit déjeuner ??"
"Non, je suis en retard. Je devrais déjà être au Sanctuaire. Shiryu doit m'attendre."
Hyoga devait retourner au Sanctuaire pour deux mois, afin de reprendre son rôle de Pope. C’était la deuxième fois depuis que je l'avais rencontré, il y avait plus d'un an. Je n'aimais pas quand il me quittait ainsi mais cela faisait partie de ses obligations, et il se débrouillait toujours pour passer me voir au moins une fois par semaine. La fois précédente, nous n’étions pas encore amants, aussi s’était-il contenté de superviser ma formation (pendant deux mois, une femme chevalier était venue me donner des exercices à faire, et cela avait été pénible). Mais cette fois-ci, ce serait diffèrent. Je savais déjà ce que nous ferions à son retour.
Hyoga avait vite appris à me connaître, et il savait maintenant s'y prendre pour me donner du plaisir. Il était un bon amant, pour autant que je puisse en juger, car je n’étais pas moi-même une experte en ce domaine. Mais l'amour que nous éprouvions l'un pour l'autre nous faisait oublier les petites tracasseries du début. Très vite, la douleur disparut, et je pus profiter pleinement de nos rapports, qui devinrent vite quotidiens. J’étais toujours étonnée de constater à quel point c’était devenu pour nous une drogue, un besoin commun !
Heureusement, je savais aussi que ce n’était pas purement physique. Hyoga était beaucoup plus décontracté avec moi, beaucoup plus libre. Il ne maintenait plus de masque en ma présence, et je le voyais tel qu'il était réellement. J'avais pu constater les changements survenus en lui, et surtout vu avec plaisir que le lien qui l'unissait à sa mère faisait désormais partie du passé.
Il avait compris que je ne lui demandais pas d'oublier sa mère, mais seulement de ne plus voir les autres à travers elle. Je ne connaissais pas trop la psychanalyse, mais j'en savais suffisamment pour comprendre qu'il avait résolu son Complexe d’Oedipe. Et j'étais fière de l'y avoir aidé.
Désormais libéré, Hyoga s’était révélé
tendre, aimant. J'aimais son sens de l'humour, qu'il m'avait dissimulé,
sans doute pour prendre à coeur son rôle de professeur. Les
petits gestes d'affection, les mots tendres, lui échappaient souvent,
mais il veillait à ce que ce ne soit pas en public. Notre relation
était encore secrète, mais j'étais là aussi
décidée à ne rien brusquer. Le combat contre le fantôme
de sa mère n’était pas fini, même si j'avais remporté
une bataille.
Je mis à profit le temps libre dont je disposais pour retourner voir mes parents. Ma mère fut heureuse de me revoir, ainsi que mon frère. Mon père fut plus méfiant. Il se doutait de quelque chose.
Je réalisais alors que j'avais moi aussi changé. Pour vaincre la peur de Hyoga, j'avais du m'endurcir, puis après qu'il se fut déclaré, j'avais brisé plusieurs de mes propres complexes. J’étais plus gaie, plus vive aussi. J’étais certaine que l'on devait voir que j'étais amoureuse, et épanouie.
Mon père confirma mes suppositions un soir, venant me voir dans ma chambre, que j'avais retrouvée avec plaisir.
"Naty ? Je peux entrer ?"
"Oui, bien sûr." Je me poussais sur un coté du lit,
pour lui laisser de la place pour s’asseoir. Il ferma la porte et vint
près de moi.
"Naty... " Il cherchait ses mots. "Tu... n'en as peut être pas conscience, mais tu as beaucoup changé."
Je devais encore lui cacher la vérité. Hyoga ne voulait pas que nous soyons déjà découverts.
"C'est vrai ? Je suppose que c'est dû à l’entraînement. Je passe tellement de temps à faire des exercices que je profite du moindre moment de libre." Oh que je mentais mal !
"Tu fais des progrès ?"
"Oui, regarde." Je pris le verre d'eau sur la table de nuit et en
quelques instants abaissai sa température. Toute l'eau se changea
en glace.
"Impressionnant." Mon père était vraiment admiratif. "Et Hyoga, est-il... gentil avec toi ?"
Son hésitation, son ton, me prouvaient qu'il avait deviné quelque chose. Il me connaissait trop bien. Ma mère n'avait encore rien vu, mais elle avait toujours préféré mon frère, et je n'avais jamais été très à l'aise pour parler avec elle.
"Oui. C'est un bon professeur."
"Naty. J'ai fermé la porte. Personne ne nous entend." Le
sous-entendu était évident.
Je réfléchis quelques secondes, puis avouais.
"Je l'aime, papa. C'est vraiment quelqu'un de bien."
"Je m'en doutais. Et lui ?"
"C'est réciproque. Nous..." J’hésitais. C’était
si intime... "Nous sommes presque un couple, nous nous entendons si bien..."
Mon père parut rassuré.
"J'en étais sûr. Fais tout de même attention,
tu as toute la vie pour avoir des enfants." Il sourit, et je me sentis
rougir.
"Oui, tu as raison. Mais..." Mon père rit devant mon air
coquin.
"Ahahah ! Je comprends. Profite, Naty, la vie est courte. Mais n'oublie
pas ta famille. Tu nous as manqué, durant tout ce temps."
"Désolée, papa. Promis, je reviendrais plus souvent."
Mon père se leva, et ouvrit la porte.
"Papa... Tu dis rien à maman, pour le moment ?"
"Moi ? Mais pour parler de quoi ?" Il sourit d'un air entendu.
Je me couchais et dormis tranquillement. Mon père était formidable, je pouvais compter sur lui.
Quelques semaines plus tard, Hyoga, revenu chez nous, reçut un coup de fil d'Athéna nous prévenant de la visite de Seiya le lendemain. J'avais déjà rencontré Shiryu brièvement, au début de mon entraînement, et j'allais enfin rencontrer le frère que Hyoga chérissait le plus.
J'avais compris une chose, en écoutant Hyoga. Seiya était le point de ralliement du groupe, plus qu'Athéna elle-même. Hyoga obéissait à Athéna, il était prêt à donner sa vie pour elle, mais sa relation avec Seiya était plus forte encore. Il y avait entre Seiya et chacun de ses frères un lien unique, plus fort que tout. C’était une sorte de confiance absolue, aveugle, en ce chevalier si important. Seiya était l'âme des cinq chevaliers.
Hyoga était ravi de revoir son frère, qu'il n'avait vu que brièvement au moment de la passation de pouvoir du Pope, quelques semaines avant. Il m'aida à ranger la maison afin que tout soit impeccable.
Le lendemain, Seiya arriva dans un éclair doré, et fut surpris de me voir.
Il s'attendait sûrement à une petite fille, et je pus voir à son regard qu'il soupçonnait déjà quelque chose. Il était sans doute plus malin que son frère.
La journée se déroula sans encombre, Hyoga parla longtemps à Seiya, puis ils décidèrent de sortir pour exhiber leurs nouvelles techniques. Je les suivis, afin de prouver moi aussi de quoi j'étais capable.
"Honneur aux dames" fit Seiya en me regardant, le sourire aux lèvres.
Je lui retournais son sourire, et déclenchais mon cosmos. Puis je pris pour cible un malheureux sapin et l'attaquais.
"Diamond Dust !" Le sapin fut pris dans un tourbillon de neige et de glace, et se retrouva plus blanc que ceux alentours.
"Pas mal ! En un an d’apprentissage, tu dis, Hyoga ? Quand est-ce que tu lui laisses ton armure ?" Seiya n’arrêtait pas de taquiner Hyoga.
"Eh, attends, c'est toujours moi le maître ici. Regarde ça, c'est ma dernière invention."
Hyoga fit le vide, se concentra et intensifia son cosmos. Il alla plus loin qu'il ne l'avait jamais fait en ma présence, déployant toute son énergie. L'air devint glacé autour de nous, et Seiya fronça les sourcils, impressionné.
"Absolute Zero !" Je n'en croyais pas mes oreilles. Il ne m'avait jamais montré cette attaque. L'arbre se retrouva pris dans un bloc de glace. Je pouvais sentir, grâce à ma formation, qu'il n'y avait plus d’activité atomique au sein de ce bloc. Hyoga avait complètement figé le mouvement des particules, et atteint le zéro absolu.
"Tu es capable de le déclencher à volonté, maintenant ?" Seiya analysait l'attaque froidement, cherchant les implications sur le niveau de maîtrise de Hyoga. Mais il était clair maintenant que ce dernier possédait l'attaque ultime. Il ne pouvait faire mieux. Rien ne pouvait contrer le Zéro Absolu, et il était impossible de descendre plus bas encore. Hyoga était le maître incontesté de la glace. Je n’en revenais pas que mon maître - et amant - soit aussi fort.
"A toi, Seiya."
"Avec plaisir."
Seiya déploya lui aussi tout son cosmos, et l'aura fut plus grande encore que celle de Hyoga. Sa puissance était gigantesque. Je me sentis insignifiante à coté de ces deux guerriers. Ils étaient des chevaliers divins, et je n’étais rien.
Le cosmos de Seiya disparut soudain, et je pus voir une minuscule boule d’énergie qui brillait au bout de son doigt d'une lumière intense.
"Pegasus Cosmo Ball" Seiya projeta la bille lumineuse qui fendit l'air en laissant une traînée lumineuse derrière elle, et la bille pénétra le cercueil de glace autour du sapin. Puis toute la glace réverbéra la lumière, et je fus éblouie. Quand je rouvris les yeux, l'arbre avait disparu avec le cercueil de glace. Comment était-ce possible ?
Hyoga était lui aussi étonné. "Seiya, comment... ?"
"Moi aussi, je peux jouer avec les particules. Mais j'ai trouvé plus fort que toi. Je crée de l’antimatière avec mon cosmos. C’est comme ça que j’ai pu creuser ton cercueil de glace, et désintégrer le sapin. Pas mal, non ?" Seiya rigolait, fier de sa petite démonstration. C’était l'homme le plus fort que j'ai jamais vu.
Hyoga et Seiya étaient en train de discuter de physique nucléaire dans le salon, tandis que je préparais le repas. Je jetais parfois un coup d’oeil, et les regardais parler. Hyoga était plus vif que jamais, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas été si extatique. La démonstration de Seiya avait piqué son intérêt, et il découvrait de nouveaux horizons. Nul doute qu'il mettrait au point une technique plus extrême encore.
J'entendis un éclat de rire, et allais voir. Ils riaient tous deux à gorge déployée, d'une blague qu'ils ne répétèrent pas devant moi. Je ne m'en offusquais pas, heureuse de voir Hyoga si détendu. Mais j'avais un doute au sujet de Seiya. Il dissimulait quelque chose, et même s'il riait de bon coeur, je sentais qu'il était obligé de forcer sa bonne humeur.
Seiya me complimenta pour le repas, et Hyoga voulut qu'il reste pour
la nuit. Je n’étais pas très enthousiaste. Le lendemain,
je devais me rendre chez mes parents, et devais y passer quelques jours.
Je pensais passer cette soirée en tête-à-tête
avec mon amant. Mais Hyoga insista et Seiya finit par accepter. Mais je
ne baissais pas les bras. Une fois certaine que Seiya serait endormi, je
passais à l'action.
J'entrais dans le salon où Hyoga était couché, et vis qu'il ne dormait pas. Il était près d'une heure du matin. Hyoga me fit signe pour me demander ce que je faisais là. Il ne voulait pas réveiller Seiya en parlant, car celui-ci dormait dans sa chambre, de l'autre coté du mur. Je fis des deux mains un geste équivoque, lui signalant mon intention, et vis ses joues rosir. La lumière de l’âtre éclairait toute la pièce dans des teintes ocres oranges.
Hyoga me montra le mur, frappant sur sa tempe. Non, je n’étais pas folle. Je savais où était Seiya. Les mains jointes sur ma joue, les yeux mi-clos, je lui fis comprendre qu'il devait sans doute dormir. Après son exploit de l'après-midi, il avait paru fatigué par la dépense d’énergie. Je m'approchais du sofa où Hyoga était étendu, regardant avec insistance vers son bas-ventre, dissimulé par les draps. Malgré la double épaisseur de tissu que formaient le drap et son caleçon, je voyais que je lui faisais déjà de l'effet.
Je défis le lacet de ma nuisette, la fis glisser le long de mes épaules, puis tirais d'un coup sec quand elle fut arrêtée par mes seins. Le vêtement tomba à mes pieds, me révélant nue devant Hyoga. Ses yeux brillaient maintenant de désir, et il se leva pour me tenir serrée contre lui. Il m'embrassa passionnément, ses bras autour de ma taille. Je m’accrochais à son cou et répondis avec la même ardeur. Je sentais contre mon ventre qu'il était déjà prêt.
Il me poussa doucement sur le sofa, et je m'installais, m'allongeant confortablement. Puis il ôta son caleçon, exhibant fièrement l'objet de mon désir. Il se coucha contre moi, m’embrassant encore, couvrant mon cou, ma gorge de baisers. Ses mains passaient inlassablement sur mon corps, tandis que je restais agrippée à lui, sentant sous mes paumes les muscles puissants de son dos. Il m’embrassa plus bas, excitant mes seins, qui devenaient chaque instant plus durs, descendit encore, couvrant tout mon corps de ses lèvres. Puis il revint vers moi, me regarda dans les yeux, et me pénétra doucement.
Nos étreintes étaient toujours passionnées, et celle-ci n’échappa pas à la règle. Mais le fait de faire cela dans le salon, alors que nous étions plutôt habitués au grand lit que nous avions installé dans ma chambre, la chaleur et la lumière de la cheminée, et sans doute aussi la présence de Seiya qui ajoutait de l'interdit à la situation, nous rendit cette nuit particulière.
Ce fut à moi de l’embrasser cette fois, cherchant sa bouche, tandis qu’il bougeait en moi. Depuis quelque temps, il laissait une fine moustache apparaître au-dessus de ses lèvres et ses baisers piquaient maintenant un peu, mais cela n’était pas désagréable. J’enfouis mes mains dans sa tignasse blonde, tenant son visage soudé au mien. Comme j’aimais le goût de ses baisers !
Bien vite, Hyoga se redressa, soutenant mon bassin d'une main et caressant ma peau de l'autre, me dominant, continuant à me regarder en souriant. Ses mouvements amplifièrent, d'allant et de vitesse, tandis que je sentais en moi qu'il continuait aussi son expansion, comme si jamais il ne devait cesser d'emplir mon corps. Le plaisir venait vite, et mes sens furent un instant suspendus, tandis que je tentais de maîtriser mes gémissements.
"Chut ! " fit Hyoga.
La vague passée, j'attendis celle qui bientôt prendrait Hyoga. Il continuait à sourire, mais ses sourcils froncés, son air plus sérieux me disaient qu'il avait déjà commencé à sentir les prémisses, et qu'il contenait déjà l'explosion. Il résistait - il résistait toujours - afin que notre plaisir commun dure plus longtemps. Cela ne changeait pas grand chose car nous avions l'habitude de recommencer plusieurs fois de suite, jusqu’à l’épuisement, mais j'aimais sa façon de se retenir afin que je puisse profiter au mieux des sensations qu'il me prodiguait.
Hyoga releva la tête, cherchant un point visuel pour fixer sa pensée, tandis que son corps tentait de la lui arracher. Il se ruait en moi, ses mouvements paroxystiques me secouaient littéralement, faisant grincer le sofa. Je contenais moi aussi les vagues qui montaient à nouveau, fière de cet homme qui tenait assez longtemps pour me permettre de venir le rejoindre dans l'orgasme. Mais Hyoga n'en put plus et son dernier mouvement le mena au plus profond de mes organes. S'y implantant presque, il explosa, diffusant sa force au coeur de mon ventre. Je relâchais alors ma volonté, laissant la tension retenue me submerger à nouveau.
Il me regarda fièrement. C’était son instant de triomphe. Il m'avait mené au plaisir, comme il le voulait, et me signifiait qu'il en serait toujours ainsi, qu’il serait toujours là pour me combler. Fourbu, il s'effondra sur moi, et m'embrassa tendrement. C’était son instant de triomphe, mais ce serait bientôt mon tour, car la nuit serait encore longue, et je voulais lui montrer que moi aussi je pouvais le dominer. Sentant déjà en moi qu'il retrouvait sa vigueur, je me débrouillais pour échanger les rôles et le chevaucher à mon tour.
J'eus une pensée pour son frère, de l'autre coté
du mur. Malgré notre silence, nous n'avions pu éviter quelques
bruits révélateurs. Seiya devait être soit endormi,
ignorant des merveilles que nous effectuions sous son nez, soit éveillé,
et probablement frustré que nous lui imposions un tel supplice.
Mais pour l'instant je n'en avais cure.
Seiya partit le lendemain, l'air de rien. Mais son sourire crispé et ses traits tirés m’indiquèrent qu'il n'avait pas beaucoup dormi. J'aurais sans doute dû en éprouver du remords et une certaine culpabilité pour mon impudeur, mais cela ne fit qu'attiser encore mon désir, et à peine Seiya disparu, j’entraînais à nouveau Hyoga dans la maison, voulant profiter de mes derniers instants avec lui avant de partir chez mes parents pour quelques jours de célibat.
Lorsque nous arrivâmes au Sanctuaire, nous étions presque les premiers. Seuls Shun et Junon avaient rejoint Ikki, Ludmila, et leurs deux jumeaux. Nous vînmes voir les enfants, objets de la réunion d'aujourd'hui, et présenter les félicitations d'usage, méritées en ce cas, car c’étaient deux enfants magnifiques.
Je regardais tendrement Hyoga pendant qu'il parlait, me demandant s'il avait déjà constaté le changement, mais je ne vis aucun signe me permettant de penser que oui.
Plus tard, par contre, je surpris un regard de Ikki, tandis qu'il parlait avec Seiya, et qu'ils me regardaient tous deux. J’étais sure que Ikki était beaucoup plus subtil que Hyoga et qu'il devinait déjà la vérité. Seiya sembla incliner en son sens, et je leur adressais un petit signe de la main.
Hyoga me rejoignit quelques minutes plus tard.
"Tu as entendu Shun ?"
"Oui. Et j'ai sympathisé avec Junon, pendant que tu regardais ailleurs. Elle m'a demandé d’être sa demoiselle d'honneur."
"Oh oh ! Tu sais ce que ça veut dire. Si tu veux te marier dans l’année qui suit, il te faudra attraper le bouquet."
"J’espère bien qu'on se mariera avant."
"On a tout le temps. Mais je te promets que je t’épouserai."
Tout le temps ? Je souris intérieurement. Le temps tourne,
Hyoga. Combien de temps encore mettras-tu à t'en rendre compte ?
"Dis donc, Naty, il faudra peut-être que tu penses à faire un régime. Tu prends du poids."
Enfin ! Le mariage de Shun et Junon était prévu dans deux semaines, et il commençait à se rendre compte de quelque chose ! Mais il n'avait toujours pas fait le rapprochement. Je ne pouvais pas tenir plus longtemps, il fallait l'aider. Décidément, il était toujours aussi benêt.
"Même si je fais un régime, ça ne changera rien."
"Ah bon, pourquoi ? Tu vas devenir une grosse mémère
?" Il mimait une vieille femme tremblotante. Je riais.
"Un peu. Je vais enfler, enfler" dis-je en prenant une grosse voix.
"pendant encore plus de quatre mois." Ca, ça devrait l'aider.
"Quatre mois ? Pourquoi ? Apres qu'est ce qui se passe ? Tu dégonfles
?"
J'allais répondre quand je vis la lueur dans ses yeux. Ca y est, il avait compris. Pas trop tôt.
"Tu... tu attends un enfant ?"
"Gagné. Tu sais que tu es lent à la détente
? J'ai attendu que tu le découvres seul, mais c'est pas évident."
"Mais... depuis combien de temps ?"
"Tu sais compter ?"
"Mais c'est pas possible... tu peux pas déjà en être
à cinq mois... tu n'es pas..."
"Enorme ? Pas encore. Je pense que ça va pas tarder. Alors,
futur papa" j'entourais son cou de mes bras, me rapprochant de son visage
"comment prends-tu la nouvelle ?"
Sa seule réponse fut de m'embrasser.
Mon nom est Naty. Je suis la veuve de Hyoga.
Je regarde le corps prisonnier des glaces. Hyoga porte un magnifique costume blanc, ses cheveux flottant dans le cercueil translucide. Il est toujours aussi beau.
Ma famille se tient près de moi. Mon fils a posé sa main sur mon épaule. Il est triste en ce jour des funérailles de son père.
Il est temps de lui dire adieu. Les chevaliers poussent le bloc de glace vers le grand trou. Le bloc est lesté de plomb, il coulera de suite. Le corps de Hyoga restera gelé dans ce cercueil pour l’éternité, au fond de l’océan, sous l’épaisse couche de glace. Hyoga souhaitait être inhumé ici, près de l'endroit où repose sa mère. Je lui dois bien ça, il l’a laissée pour moi pendant longtemps.
Le cercueil disparaît dans les flots, emportant le corps de mon époux. Je serre mon fils contre moi, puis me retourne, et repars vers la maison. Je n’ai plus rien à faire ici. Mon fils me soutient, mais malgré mon âge, j’ai encore la force de me déplacer seule. J’ai moi aussi été un chevalier.
Je n'aurais jamais cru atteindre un âge aussi avancé, et vivre aussi longtemps auprès de celui que j'ai aimé toute ma vie. J'essuie une larme qui coule du coin de mon oeil, mais je ne suis pas vraiment triste. Notre vie fut heureuse, pleine de joies. Et je savais que ce moment arriverait. Bientôt ce sera mon tour. Et je le rejoindrai alors.
Mes arrière-petits-enfants me dépassent, courant devant moi. Je surprends Erika, la plus grande, à sourire à un jeune chevalier. Celui-ci passe un bras autour de sa taille, et ils partent tous deux en courant, plus vite que le vent. S’ils se marient sous peu, j’aurais peut-être la chance de voir mes arrière arrière-petits-enfants.
Mon nom est Naty, on me nommait la Reine de Glace. J’étais l’épouse de Hyoga, le Chevalier divin. La vie continue mais mon histoire s’arrête ici.
Fin de "Hyoga et Naty"
Prochain chapitre : "Ikki et Ludmila"