"Saint Seiya in Love : Seika"

Chapitre 1 : "Mon Frère, ce héros"


"Adieu, Seiya."

Seika pleurait en voyant l'Eclipse disparaître. Certes ce monde était sauvé, mais son frère, Seiya, avait donné sa vie pour cela. Il avait protégé Athéna de son corps et avait péri, le coeur transpercé par l'épée d'Hadès. Maintenant, les autres chevaliers allaient revenir avec Athéna, mais Seiya ne serait pas parmi eux.

"Seika, ne pleure pas. Seiya a été un héros, c'est grâce à lui que nous sommes tous en vie." Marin tentait de la réconforter.

"Ne t'en fais pas pour moi, Marin. Je pleure de joie car mon frère a sauvé ce monde. Il est peut être mort, mais son esprit vivra toujours en nous. Tant que nous ne l'oublierons pas, il vivra."

Marin admirait le courage de Seika. Celle-ci venait de perdre son frère, alors qu'elle ne l'avait pas vu depuis six ans, et elle se tenait debout, regardant le soleil réapparaître, séchant ses larmes, un sourire au coin des lèvres. Marin se doutait que Seika était profondément affectée par cette perte mais qu'elle n'en laisserait rien paraître. Elle était bien la soeur de Seiya.

Jabu commença à retourner vers le Sanctuaire. "Nous n'avons plus rien à faire ici. Il n'y a plus qu'à attendre le retour d'Athéna."

Mais Athéna et ses chevaliers ne revinrent pas.


"Kiki, que crois-tu qu'il leur soit arrivé ?"

Seika se posait souvent cette question, mais n'osait pas la poser à un des chevaliers. Cela aurait été admettre que Saori et les autres ne reviendraient pas, et tous voulaient garder espoir. Mais la Grande Eclipse était finie depuis un mois déjà, et nul signe n'était venu confirmer ou infirmer la disparition des chevaliers.

"Je ne sais pas. Peut-être qu'ils... qu'ils n'ont tout simplement pas retrouvé le chemin qui mène jusqu'ici. Je ne sais pas à quoi ressemblent les Enfers. Ils y sont peut-être encore."

Seika ne répondit pas. Elle avait peur pour les amis de Seiya. Il fallait qu'ils reviennent, pour honorer sa mémoire. Pour parler de lui.


"Seiya !"

Seika se réveilla, en sueur. Quel horrible cauchemar ! Mais c'était la première fois qu'elle rêvait de Seiya. Mais pas de Seiya enfant. Seiya était chevalier dans son rêve, et il portait une armure dorée. Elle le voyait, baignant dans son sang, une épée plantée dans sa poitrine. Comment pouvait-elle l'imaginer ainsi ? Elle ne l'avait pas revu depuis qu'il était parti au Sanctuaire pour devenir chevalier, six ans auparavant. Il était encore enfant.

Seika se demanda ce que voulait dire ce rêve. Elle en parlerait demain à Marin. Elle se rendormit péniblement.
 
 

Le lendemain, Seika finissait d'exposer son rêve à Marin quand Kiki surgit soudain, se téléportant depuis Jamir.

"Marin ! Seika ! J'ai fait un drôle de rêve cette nuit. Il y avait Seiya dedans, et il portait une armure divine ! Mais il était mort, je l'ai vu avec du sang partout."

Marin rassembla tous les chevaliers pour parler de ce phénomène, et nombreux étaient ceux qui avaient eu une vision d'un des chevaliers, ou une impression morbide. Le désespoir fut plus grand que jamais au Sanctuaire. Tous étaient persuadés qu'Athéna était perdue.

Cette ambiance oppressante dura une semaine.


"Seiya !"

Cette fois, Seika se réveilla, certaine que Seiya allait revenir. L'impression était si forte, sa présence si palpable, qu'elle aurait cru qu'il était à coté d'elle. Elle se leva, enfila un manteau - il faisait froid cette nuit - et se précipita au dehors. Sans réfléchir, elle courut vers l'emplacement où se tenait la statue d'Athéna, non loin de là car elle dormait dans l'une des chambres du palais du Pope. Quand elle arriva, elle vit que déjà plusieurs chevaliers et de nombreux gardes étaient arrivés, et tous regardaient une petite statue de la déesse, qui se trouvait dans un petit temple, à coté de l'emplacement vide de la statue géante.

Toute l'icône semblait luire d'une lueur interne, comme si la pierre était vivante. Une sort de pulsation l'animait, donnant des reflets sur les armures de chevaliers qui attendaient là. La pulsation augmenta, puis une brume apparut au pied de la statue. Cette brume s'épaissit, jusqu'à masquer complètement l'idole d'Athéna. Une forme puis deux apparurent au sein de la brume.

Shiryu et Hyoga ouvraient la marche et sortirent les premiers du brouillard. Ils étaient revêtus de leurs armures divines qui luisaient aussi, semblant répondre aux pulsations de la statue. Athéna, encadrée par Shun et Ikki venaient ensuite. Dès qu'elle apparut, tous les chevaliers mirent un genou à terre pour accueillir la déesse. Enfin après quelques secondes qui parurent interminables à Seika, Seiya surgit aussi de la brume. Il la vit immédiatement et ses premières paroles furent pour elle.

"Bonsoir Seika. Cela fait longtemps qu'on ne s'était pas vus, soeurette."


"Et voila comment nous avons récupéré Seiya. Cela n'a pas été facile, mais nous ne pouvions pas rentrer sans lui."

Saori expliquait la fin de leurs aventures, et tous étaient tous là à l'écouter, certains les larmes aux yeux. Marin se leva pour poser une question.

"C'est pour cela que vous avez mis tant de temps à revenir ?"

"Non." Seiya prit la parole. "C'est parce que les Enfers avaient disparu. Et l'Elysée aussi. Il nous a fallu trouver un chemin à travers les dimensions jusqu'ici. Mais la statue d'Athéna était là pour nous guider, comme un phare. J'ai appris que c'était là le rôle de cette petite sculpture."

"Et comment ça se fait qu'on ait rêvé de vous ?" Kiki aussi semblait curieux.

"Nous sommes passés dans une dimension très proche de celle-ci, il y a peu de temps. C'est sans doute notre présence que vous avez senti à ce moment-là. Nous, nous avons senti la votre." C'était Hyoga qui avait répondu.

Les questions fusèrent, les unes après les autres, jusqu'à ce que Ikki tonne d'une voix de stentor :

"Ca suffit ! Voyons, chevaliers, laissez-nous respirer ! Athéna est épuisée, elle nous a guidé vers la statue depuis la fin de la guerre, grâce à son cosmos. Laissons-la se reposer, vous aurez tout le temps de poser des questions plus tard."

Les chevaliers acquiescèrent, puis partirent, suivis des gardes, seuls Kiki et Seika restant auprès d'Athéna et ses cinq héros.

"Bienvenue au Sanctuaire, déesse Athéna."

"Merci Kiki." Puis se retournant vers Seika : "Vous devez être Seika, la soeur de Seiya, n'est-ce pas ? Vous devez avoir beaucoup de choses à vous dire, après tant de temps. Je voulais vous présenter mes excuses, car par la faute de mon grand-père, vous avez souffert."

"Ce n'est rien, déesse, car aujourd'hui, je retrouve enfin mon petit frère."


"Bonjour Miho."

En entendant la voix de Seiya derrière elle, Miho fut si surprise qu'elle en lâcha la tasse à café qu'elle tenait à la main. Elle se retourna, fit face à Seiya un instant avant de lui décocher une gifle puis de se jeter dans ses bras. Seika contint difficilement un petit rire. Miho n'avait pas beaucoup changé.

"Salaud ! On m'avait dit que tu étais mort ! Pourquoi m'avoir menti ? J'ai été si triste, t'avais pas le droit de me faire ça." Miho restait agrippée au pull de Seiya, et ne retenait pas ses larmes. Seiya lui parlait doucement, pour la réconforter.

"Si j'avais pu revenir avant, je l'aurais fait, Miho. Ne pleure plus, c'est fini. C'était la dernière bataille."

Soudain, Seiya prit Miho par les épaules, et lui fit face. Il lui indiqua du regard la direction de Seika. Quand Miho eut reconnu la grande soeur de Seiya, elle se jeta a son cou.

"Seika ! Comme je suis contente ! Alors vous vous êtes retrouvés !"

La joie de Miho n'était pas feinte. Seika avait toujours été comme une grande soeur pour Miho. C'était Seika qui lui avait appris à se coiffer toute seule, c'était elle qui lui servait de modèle en tout. Le jour où Seiya avait été emmené à la Fondation, Seika avait disparu, et cette double perte avait été très dure pour la petite fille qu'elle était. Si Seika était restée, nul doute qu'elle aurait accepté plus facilement le départ de Seiya. Mais enfin, Seika était rentrée.

"Que t'est il arrivé ? Ou étais-tu pendant toutes ces années ? Comment vous vous êtes retrouvés ?" Miho la pressait de questions.

"Je vais tout t'expliquer. Tu as changé Miho. Te voilà une belle jeune fille désormais. Et je vois que vous formez un beau couple, Seiya et toi."

"Hein ?" Seiya semblait ahuri. "Eh attends, on est juste amis, c'est tout. Ne vas pas t'imaginer..."

Seiya était rouge, mais Seika sentait bien l'affection qu'il avait pour Miho. Mais il y avait aussi Saori. Seika avait bien vu que son frère lui était aussi très attaché. Seiya aurait sans doute des histoires de coeur bien compliquées.
 
 

Seika achevait de raconter son histoire quand les enfants surgirent dans la pièce, en courant.

"Regardez, Seiya est revenu !"

"Bonjour les enfant. Eeeh ! Faites attention !"

Ils s'étaient jetés sur lui, le faisant tomber à la renverse avec sa chaise. Seika put constater à quel point Seiya était populaire auprès des enfants de l'orphelinat, surtout auprès des garçons. Il était sans doute devenu un modèle pour eux, une sorte de "super grand frère".


"Alors Miho, toujours amoureuse de Seiya ?"

Seika avait attendu que Seiya les laisse seules pour s'amuser avec les gamins, avant de poser cette question. Miho rougit, gênée.

"Oui. Je n'arrive pas bien à savoir quels sont ses sentiments, mais je l'aime toujours. Ca m'a fait si mal quand il a disparu..."

"Ne t'en fais pas Miho. Seiya est encore un enfant. Il ne sait pas ce qu'il veut, et en fait toujours à sa tête. Mais il t'aime, à sa manière. Il te faudra attendre, avant qu'il ne te l'avoue. Il est insolent, tête brûlée, parfois inconscient, mais il ne sait pas ouvrir son coeur. Il ne sait même pas lui-même ce qu'il ressent. Même s'il a beaucoup mûri, c'est toujours le même qu'autrefois. Parfois je revois encore le petit garçon en lui."

"C'est vrai. Il y a des jours où je me dis qu'il n'a pas changé. Mais parfois il devient si sérieux... Il a dû voir des choses inimaginables, des secrets qui rendraient fous n'importe qui. Il a survécu à tant d'épreuves. J'ai l'impression qu'il aura du mal à se faire à une vie normale. Peut-il encore trouver de l'intérêt à vivre avec une fille comme moi ? Qu'est ce que je peux lui apporter ?"

"Ce qu'il ne pourra jamais avoir dans le monde des chevaliers : la sécurité. Savoir que quelqu'un l'attend quelque part. Une écoute. Il arrive toujours un moment où on se demande de quoi demain sera fait. Et avec qui. Seiya ne se pose pas encore ces questions, mais ça viendra. Alors, il cherchera quelqu'un pour y répondre. Si tu tiens à Seiya, sois là à ce moment."

"Comment se fait-il que tu sois si... psychologue ?" Miho était impressionnée. "Et toi, sais tu avec qui tu vas passer ta vie ?"

"Non, pas encore. Je n'ai retrouvé la mémoire que récemment. Je découvre de nouvelles personnes, je retrouve de vieilles connaissances. La vie me semble nouvelle, je renais. Quand les choses se seront calmées, alors je trouverai quelqu'un sur qui je pourrai compter."

"Tu sembles si sure de toi, tu m'étonnes."

Seika sourit. Maintenant que Seiya était là, l'avenir ne pourrait être qu'heureux.

Sans doute.


Chapitre 2 : "L'homme à la Rolls"


Seika se détendit. Elle avait décidé de reprendre ses études, poussée en cela par Miho, et l'année avait été plutôt rude. Elle profitait maintenant des deux mois d'été qui lui étaient accordés, et ces deux mois de vacances sur la côte grecque lui feraient le plus grand bien. Elle venait de passer son permis de conduire avec brio et Saori lui avait offert une petite voiture - pas un bolide, mais c'était tout de même un joli cadeau - et lui avait avancé de l'argent pour se payer des vacances. Seika ne voulait pas qu'on lui offre tout ce qu'elle voulait, même si Saori insistait souvent pour qu'elle se laisse faire - c'était un peu une forme de compensation pour les années qu'elle avait perdu à cause de la Fondation - et Seika voulait absolument rembourser ses dettes, avec l'argent qu'elle gagnerait plus tard.

Seika avait donc choisi un petit hôtel au bord de la mer, sur une petite île grecque peu fréquentée. Elle sentait que l'air marin la tonifiait, et elle passait de longues journées à lire, étendue sur une chaise longue en face de la mer. Elle avait un peu honte de paresser ainsi, mais c'était si agréable !

Seika décida de piquer une tête. Elle laissa son livre et entra dans l'eau. Elle fut bientôt suffisamment loin du rivage. Elle se retourna, regardant l'hôtel, si typique de l'architecture méditerranéenne, qui trônait à l'ombre de grands arbres. Seika se laissa flotter, n'ayant plus envie de nager tout d'un coup. Elle ferma les yeux, laissant l'eau la porter.


"Mademoiselle ?"

Seika s'éveilla. Elle était toujours à l'eau, mais quelqu'un lui parlait. Elle fut si surprise en s'éveillant qu'elle manqua se noyer mais une main la saisit prestement par l'épaule et la maintint à la surface.

"Ce n'est pas très prudent, ce que vous faites."

Seika regarda l'homme qui lui parlait, mais le soleil était juste derrière lui, et elle ne pouvait distinguer ses traits. Elle vit qu'il était dans un petit canot sans moteur, une sorte de canoë amélioré, avec un flotteur latéral pour le stabiliser.

"Je vais vous ramener sur la plage. Donnez-moi votre main."

Seika attrapa la main de l'homme qui la hissa dans le bateau sans peine. Seika était confuse. Elle s'était mise dans une situation dont elle n'était pas fière, et elle gâchait la journée de cet inconnu. En la voyant ainsi, le jeune homme comprit et la rassura :

"Ne vous en faites pas, ça ne me dérange pas. Prenez la serviette à l'avant, ou vous aurez les cheveux raidis par le sel avant qu'on ne soit rentrés. De quelle plage venez-vous ?"
"Je.. ne sais pas le nom de la plage. C'est la plage de l'hôtel..."
"Je vois où c'est. Il n'y a pas cinquante hôtels de ce coté de l'île. Allons-y !!"

Le jeune homme prit une rame et commença à pagayer pour faire pivoter le bateau. Puis il rama vigoureusement, apparemment sûr de la direction à suivre. Quelques minutes plus tard en effet, Seika vit la façade de l'hôtel apparaître entre deux vagues.

Seika en profita pour dévisager discrètement son "sauveur". C'était un garçon de son âge ou à peu près. Il semblait bien plus adulte dans ses expressions, contrairement à ses camarades de classe, mais ses traits juvéniles montraient qu'il sortait à peine de l'adolescence. Il portait un tee-shirt sans manche, qui moulait suffisamment son corps pour qu'on puisse deviner une musculature d'athlète. Ce jeune homme devait faire l'un ou l'autre sport de combat, en plus d'une pratique assidue du kayak, car il ramait en rythme, ne semblant pas le moins du monde fatigué. Toute son attitude démontrait qu'il savait rester maître de lui, voire noble, même si le sourire qu'il lui décocha était empreint d'ironie. Il s'amusait de cette situation, c'était clair.

"Si je peux vous donner un conseil, essayez de ne plus vous endormir en mer. Il passe rarement des bateaux par ici. C'est même une chance que je vous aie vue."
"Je sais. Merci."
 
 

"Vous voila arrivée, mademoiselle... ?"
"Seika."
"Eh bien, mademoiselle Seika, je vous souhaite une bonne journée." Le jeune homme se pencha, prit sa main et y déposa un baiser.

Puis il fit demi-tour, rejoignit son bateau et repartit vers le large à grands coups de rames.

Seika secoua soudain la tête. Il était parti depuis longtemps déjà, alors que faisait-elle encore là, à regarder vers la mer ?


Seika n'arrivait pas à dormir. L'image de ce jeune homme la hantait. Elle venait de réaliser qu'elle était tombée sous son charme. Et elle ne connaissait même pas son nom !

Elle se demanda si elle allait le revoir. Les chances étaient minimes. Mais l'île n'était pas grande, et si c'était un insulaire, elle devrait pouvoir le retrouver.

Le lendemain, Seika régla sa note, prit sa voiture et fonça au village voisin. Elle questionna les habitants, tenta de retrouver sa piste mais personne ne reconnaissait sa description. Seika ne se découragea pas. L'île comptait quatre villages, aussi elle en fit le tour, questionnant tout le monde. Mais rien n'y fit.

Seika prit le bac, rejoignit l'île voisine, et continua ses recherches. Elle visita ainsi trois îlots, et passa près de dix jours à la poursuite du mystérieux jeune homme. Mais au onzième jour, elle abandonna tout espoir.

Ses vacances étaient gâchées, aussi Seika décida de rentrer au Sanctuaire. Elle avait de plus épuisé ses ressources et ne pouvait plus loger à l'hôtel. Elle rentra donc sur le continent, et reprit la route vers Athènes.

La nuit allait tomber, et elle n'aimait pas rouler sur les petites routes escarpées qui longeaient la mer dans ces conditions. Elle décida de s'arrêter au premier hôtel venu, ce serait plus prudent.

Mais le premier qu'elle trouva était un hôtel de grand luxe. Une grande bâtisse, éloignée des axes principaux de circulation, un refuge au sein de la nature pour gens fortunés. Seika s'arrêta devant l'hôtel, descendit pour vérifier les prix. Apres tout, si cela ne dépassait pas trop son budget...

Le prix des chambres était horriblement cher. Seika fit demi-tour, prête à dormir dans sa voiture, sur le parking. Mais un homme d'un certain âge s'approcha d'elle.

"Mademoiselle ?"

Seika ne répondit pas. Que voulait-il ? Elle regarda l'homme. C'était un japonais, tout comme elle. Il devait avoir plus de soixante ans, portait un costume sombre. Un homme de goût. Elle vit que son chauffeur se tenait à quelques pas derrière lui.

"Mademoiselle, je ne sais pas si vous avez fait attention, mais ma voiture suivait la votre depuis quelques kilomètres déjà. Je loge dans cet hôtel, et j'ai été étonné de vous voir vous y arrêter. Vous cherchez manifestement une chambre pour la nuit."
"Oui, en effet. Mais c'est beaucoup trop cher pour moi, ici, alors je pense que je vais chercher ailleurs."
"Vous ne trouverez pas facilement. Nous sommes en été, c'est la pleine saison, ici. Tous les hôtels du continent sont pleins depuis des semaines. Il vous faudra chercher longtemps pour trouver une chambre. Je sais que je vais vous paraître étrange, mais je peux vous proposer de vous payer une chambre dans cet hôtel pour cette nuit, si vous le désirez."

"Mais je ne peux pas accepter, je ne pourrais jamais vous rembourser."
"Ah ah ! Mais je ne vous le demande pas, mademoiselle. Quand on a ma fortune on ne regarde pas à ce genre de choses. Acceptez, vous me feriez plaisir. Entre compatriotes. Vous êtes bien japonaise ? "
"Mais pourquoi feriez-vous une telle chose ? Vous ne me connaissez pas."
"J'ai mes raisons. Acceptez." Le vieil homme semblait y tenir.

"Soit. Vous me tirez d'embarras, et puisque vous insistez..."


Seika entra dans l'hôtel au bras du vieil homme, alors que le chauffeur portait ses bagages. Un groom les accompagna jusqu'à une grande suite, et leur ouvrit la porte. La suite comprenait plusieurs chambres, et le vieil homme invita Seika à en choisir une.

"Mais..."

"Pas de mais, mademoiselle. J'ai loué toute la suite pour plusieurs semaines, je peux y inviter qui je veux. Faites votre choix."

Seika prit la première chambre qu'elle trouva, mais toutes étaient des chambres pour deux personnes, avec un grand lit. En voyant le lit, Seika eut un doute. Et si les intentions du vieil homme étaient moins honnêtes qu'il n'y paraissait ? Malgré cela, elle était exténuée. Elle prit ses bagages et s'installa donc là.
 
 

Le lendemain matin, elle s'éveilla avec la lueur du jour. Elle sentit une présence, se retourna, et vit le vieil homme, assis sur une chaise, qui la regardait. Elle ramena immédiatement les draps sur elle, bien qu'elle ne fut pas entièrement nue. Le vieil homme semblait gêné.

"Je suis désolé de vous avoir fait peur ainsi. Je ne sais pas ce que vous devez penser de moi, maintenant. Je... je vais vous dire pourquoi je vous ai invitée ici. Vous ressemblez tellement à ma petite-fille... Je l'ai perdue quand elle avait trois ans, avec ses parents et son petit frère. Mon fils était leur père. Ils sont morts dans un accident de voiture. On n'a jamais retrouvé le corps de ma petite-fille ni celui de mon petit-fils. Elle aurait votre âge aujourd'hui. Alors quand je vous ai vue hier soir, j'ai voulu..."

La voix du vieil homme s'éteignit. Il luttait contre des souvenirs.

"Je... Je voulais vous voir dormir, comme quand elle était petite." Une larme coulait le long de sa joue ridée. "Je vous prie de m'excuser."

"Ce n'est rien. Je comprends ce que vous ressentez. J'ai moi-même perdu mes parents." Une lueur d'espoir brilla dans l'oeil du vieillard. "Mais ils ne sont pas morts dans un accident de voiture. Désolée."

"Je m'en doutais. Le destin ne peut pas être si généreux."

Le vieil homme se leva. Il ne pleurait plus, et lui sourit un peu timidement.

"Voulez vous déjeuner ?"


Seika prenait son petit déjeuner en compagnie du vieil homme, qui s'appelait Mr. Tanaka. Il était japonais mais il venait souvent dans cette région de la Grèce où sa famille avait disparu, plus par habitude que par espoir de retrouver ses petits enfants.

Ils s'étaient installés sur la terrasse de l'hôtel, profitant de la fraîcheur matinale qui allait précéder la grande chaleur habituelle dans cette région en été. Seika allait boire son café quand elle se figea. En bas, elle venait de voir un homme monter dans une Rolls Royce, et elle crut un instant reconnaître en lui le jeune homme qu'elle recherchait. Il fallait en être sure.

Seika posa sa tasse rapidement, se leva et s'excusa promptement, prit les clefs de sa voiture, descendit les escaliers à toute vitesse, et démarra aussi vite qu'elle put. Elle sortit en trombe du parking mais s'arrêta immédiatement. A droite ou à gauche ? La Rolls n'était déjà plus visible. Seika hésita une demi seconde, et prit à droite.

Elle roula ainsi à pleine vitesse, prenant parfois trop rapidement les virages serrés de la petite route de montagne, mais ne parvenant jamais à voir au loin la voiture qu'elle poursuivait. Enfin elle arriva dans un village, et s'arrêta devant un passant.

"Excusez-moi, madame, avez-vous vu passer une grosse voiture, une Rolls ?"
"Une Rolls ? Non, pas que je sache."

Seika s'effondra sur son volant. Une chance sur deux. Elle aurait dû prendre à gauche.
 
 

Quand elle rentra à l'hôtel, le portier lui dit que M. Tanaka était parti précipitamment, lui aussi, sans doute à sa poursuite. Il avait emmené ses bagages avec lui.

Seika retourna à sa voiture, mit le contact, et roula sans s'arrêter jusqu'à Athènes puis jusqu'au Sanctuaire. Elle n'avait plus de bagages, plus d'argent. Ces vacances avaient assez duré.


Seika était une des rares personnes autorisées à pénétrer en voiture au Sanctuaire. Aussi elle fut bien surprise de trouver une autre automobile, luxueuse, garée sur le mini parking près du palais du Pope. Sans doute des invités d'Athéna.

Seika se dirigeait vers ses appartements, mais un garde se tenait devant la porte. Celui-ci lui transmit un message d'Athéna. Elle devait se rendre dans la Grande Salle de Réception. Seika, intriguée, s'y rendit, traînant le pas. Sûrement Athéna voulait lui faire rencontrer ses visiteurs, mais l'envie lui manquait.

Quand elle pénétra dans la grande pièce qui servait aux rencontres officielles, Seika trouva Saori en compagnie de M. Tanaka. Elle en fut si surprise qu'elle ne put dire un mot.

"Eh bien, mademoiselle Seika, vous semblez fort surprise. Mais vous aviez oublié vos bagages dans ma suite, souvenez-vous."
"M. Tanaka ! Mais... vous aviez disparu lorsque je suis retournée à l'hôtel."

"Ah oui. En effet, je suis parti juste après vous, pour tenter de vous retrouver, pour savoir ce qui motivait ainsi votre départ précipité. Comme mon chauffeur n'arrivait pas à vous rattraper, je me suis permis de jeter un coup d'oeil dans vos affaires, et j'y ai vu l'adresse de ce Sanctuaire. J'en ai été fort étonné. Je ne connaissais ce sanctuaire que de nom, car c'est le grand-père de cette jeune fille, Mitsumasa Kido, qui m'en avait parlé. Je connaissais fort bien ce grand homme. Et je connais aussi sa petite fille."

Saori prit la parole. "M. Tanaka était un ami de mon grand-père. Je l'ai rencontré quand j'avais trois ans. C'est aussi un homme d'affaires redoutable..." Saori regardait tendrement le vieil homme.

"Oh oh oh ! Mais j'ai pris ma retraite, je laisse les affaires à de plus jeunes, désormais." M. Tanaka regarda Seika droit dans les yeux. "Pourquoi vous être enfuie ainsi ?"

"Je... j'avais vu quelqu'un que je voulais revoir. J'ai tenté de le rattraper, mais je n'ai pas pris la bonne direction. Je l'ai à nouveau perdu." Seika avait baissé la tête, car elle sentait qu'elle pouvait pleurer si elle n'y prenait pas garde.

"Ah la jeunesse. Trop de précipitation. Vous auriez dû réfléchir. Un homme qui monte dans une Rolls est forcement un client de l'hôtel. Et son identité, même le portier peut vous la donner. Et un homme qui loge dans un hôtel de luxe fait forcement partie des plus riches personnes de ce monde. Alors pour un vieux bonhomme comme moi, quand on a le nom de cet homme et un bon carnet d'adresse, il n'est pas difficile de retrouver quelqu'un."

"Vous... vous voulez dire que vous savez qui c'est ?" Seika n'y croyait pas.
"Oui, bien sûr. Je l'ai appelé, et l'ai invité à me rejoindre ici. Il a été surpris par l'adresse car il la connaissait."
"Il est ici ?" Le coeur de Seika battait à tout rompre.

"Je suis là." La voix venait de derrière elle. Seika se retourna, et tomba nez à nez avec le jeune homme de la plage. Il était vêtu d'un costume bleu, et paraissait plus noble encore comme cela. "Je vous ai cherchée partout, moi aussi. Quelle surprise de vous trouver ici, et d'apprendre que vous êtes la soeur de Seiya."

"Vous connaissez Seiya ?"

Saori intervint. "Seika, je vais terminer les présentations. Voici Julian Solo, la réincarnation de Poséidon."


C'était un beau jour d'hiver. Il faisait doux, ce jour-là, et le soleil brillait dans le ciel, comme pour célébrer lui aussi cet événement. Seika était tendue. Est-ce que tout allait bien se passer ?

"Julian, voulez-vous prendre Seika ici présente pour épouse ?"
"Je le veux."
"Et vous, Seika, voulez vous prendre Julian ici présent pour époux ?"

Seika n'hésita pas un instant.

"Je le veux."
"Alors je vous déclare mari et femme. Vous pouvez embrasser la mariée."

Tandis que Julian l'embrassait, Seika entendait M. Tanaka, derrière elle, qui applaudissait. Le vieil homme était fier, ce jour-là, fier et heureux.

Marin se tenait près de lui. Les recherches de Mr Tanaka ne l'avaient jamais conduit au Sanctuaire, mais c'est bien là que sa petite fille avait échoué, après l'accident qui avait coûté la vie a ses parents. Elle avait été recueillie par des chevaliers et était devenue chevalier d'argent a son tour. Aujourd'hui Marin avait retrouvé son grand-père, et une partie de la mémoire qui lui faisait défaut.

Seika avança solennellement au bras de son mari, traversant l'église. Au passage, Seiya lui glissa un mot à l'oreille : "N'oublie pas que Julian est le dieu des océans. Fais gaffe à sa grosse anguille." Seika lui jeta un regard courroucé tandis que Seiya riait.

Le couple sortit de l'église, Seika était superbe dans sa robe blanche. Elle jeta son bouquet en arrière, promesse de mariage pour celle qui l'attraperait. Elle priait très fort en jetant le bouquet : "Pour toi, Miho."


Chapitre 3 : "La Femme de l'Atlantide"


Seika trouvait toujours étrange le milieu où elle évoluait. Voir ainsi la mer au dessus de sa tête était un mystère auquel elle ne s'habituait pas.

"Ouille !" Un coup de pied. Seika regarda son ventre rond avec affection. Le petit diable qui lui donnait des coups de pieds naîtrait bientôt, dans six ou sept semaines. Julian était aux anges, attendant avec impatience la naissance de son héritier. Il revenait souvent avec des cadeaux pour lui, remplissant des pièces entières d'objets qui ne seraient pas utiles à son enfant avant des mois voire des années. Seika regardait faire Julian avec amour. Il était différent depuis qu'il avait appris qu'elle était enceinte. Il était plus attentionné, plus attentif, mais aussi moins passionné avec elle. Comme s'il avait peur de faire du mal à son enfant s'il la bousculait trop.

Seika savait que ce ne serait que temporaire. Apres qu'ils se furent retrouvés, ils avaient vécu pendant presque un an avant de penser au mariage. Pendant cette année, leur relation avait été passionnée, charnelle. Comme s'ils avaient voulu rattraper un temps qu'ils n'avaient pourtant jamais perdu. Julian était un excellent amant. Il savait lui donner du plaisir, et trouver lui aussi son compte. Seika n'avait jamais été très portée sur le sexe, mais Julian lui avait appris beaucoup de choses, et désormais, il lui arrivait souvent de prendre des initiatives. Seika se demandait comment elle avait fait pour ne pas tomber enceinte avant. Il lui semblait qu'ils passaient leur temps libre à faire l'amour ! Mais finalement l'heureux événement était prévu pour bientôt.

Dès qu'elle avait appris qu'elle attendait un enfant, Seika avait téléphoné à Seiya pour le prévenir. Elle voulait qu'il soit le premier au courant. Seiya avait été ravi pour elle, mais au ton de sa voix, elle devina qu'il avait lui-même quelques problèmes. Elle n'avait pas voulu s'en mêler. Non qu'elle s'en désintéressât, mais Seiya devait apprendre à régler ses problèmes affectifs seuls. De toutes façons, il n'aurait pas voulu lui en parler. Seika espérait que Miho saurait l'aider.


Seika arriva dans la salle du Trône. Julian y était, en compagnie de Sorento. Celui-ci, revêtu de son armure d'écailles, était agenouillé au pied du trône, et faisait son rapport à son maître. En attendait qu'il ait fini, Seika s'assit sur un fauteuil qui lui était réservé, dans un coin de la gigantesque pièce.

Julian et Saori lui avaient expliqué quelle était la véritable nature de Julian, Poséidon. Lors de la guerre d'Hadès, Poséidon avait réussi à se libérer en partie et à investir à nouveau le corps de Julian. Cela était dû au fait qu'Athéna était en Enfer, et que son pouvoir sur Terre était affaibli. Puis Athéna disparut des Enfers même, projetée entre les dimensions, et le sceau qui fermait l'urne d'Athéna en fut affecté. Poséidon parvint à briser le sceau et à se libérer. Il décida de réintégrer Julian Solo, mais d'une façon différente.

Poséidon avait réalisé à quel point les humains étaient forts, à quel point leurs sentiments pouvaient surpasser même l'énergie divine. Cette force faisait défaut à Poséidon, mais pas à Athéna. Cela venait de la façon dont Athéna se réincarnait. Elle devenait une humaine, une mortelle, et gardait ainsi le meilleur de l'humain et le meilleur du divin. C'était là le secret de sa force. Poséidon, lui, avait toujours possédé les humains, écrasant leur volonté, leur âme, par la sienne. Il manipulait des pantins, mais si l'on coupait les fils, le marionnettiste n'était plus rien. Poséidon s'était retrouvé ainsi sans corps physique par deux fois déjà. Il ne devait plus posséder Julian, il devait être Julian. Il en fit ainsi.

Poséidon était apparu en rêve à Julian, et lui avait expliqué qu'il avait besoin de lui. Après une âpre discussion, Julian avait accepté de fusionner avec l'âme de Poséidon. Il s'était alors éveillé. Toute la puissance de Poséidon était en lui, toute la science du Dieu, ses pouvoirs, ses convictions, ses plans secrets, ses souvenirs. Mais Julian conservait aussi ses propres souvenirs, ses propres idées. Leurs personnalités fusionnèrent, chacune influant l'autre. De cette association, un nouvel être était né. Julian Solo était toujours le même en apparence, mais une force intérieure l'habitait désormais. Il était Poséidon.

Pour Poséidon, l'avantage que présentait cette fusion était qu'il était impossible désormais d'emprisonner son esprit dans une urne. Il était "soudé" à Julian. L'inconvénient était par contre qu'il était devenu mortel. Le jour où Julian mourrait, il faudrait alors à son esprit, enfin détaché de celui de Julian, plusieurs décennies, voire des siècles, pour pouvoir à nouveau rejoindre le plan terrestre. Telle était la Loi Céleste. Il en était de même avec Hadès. Même mort, son esprit existait toujours, car les esprits divins ne peuvent disparaître. Son corps ayant été détruit, Hadès serait obligé de se réincarner dans un autre humain. Mais cela n'arriverait pas avant bien longtemps, le temps pour lui de traverser les dimensions pour rejoindre son domaine.


"Bonjour, Julian. Tu vas bien ?"

Sorento s'était retiré après son rapport, les laissant seuls. Seika vint auprès de son époux, qui lui céda sa place sur le trône.

"Bonjour mon amour. Comment allez-vous, tous les deux ?" Il avait posé sa main, tendrement, sur le ventre rebondi.

"Ton héritier est en train de jouer au football. Ce n'est pas très agréable. Je crois qu'il en a assez et qu'il veut sortir."
"Qu'il attende encore un peu." Julian embrassa sa femme dans le cou. "Tu es si belle."

Seika reçut un nouveau coup de pied. Elle laissa échapper un petit cri.

"Eh bien je ne serais pas fâchée quand il sera né. A croire qu'il ne se plaît pas là où il est."

Julian sourit. "Il ne sait pas la chance qu'il a..."

"Julian, veux-tu venir avec moi, aujourd'hui, au Sanctuaire. Cela fait un moment que je n'ai pas vu Seiya, il ne donne plus de ses nouvelles, je suis un peu inquiète."
"Ne t'en fais pas. Seiya est un grand garçon. Et s'il ne donne pas de nouvelles, c'est qu'il a ses raisons. Tu ne dois plus le couver comme une mère, maintenant. Tu vas avoir un enfant qui aura besoin de tout ton amour."
"Tu as raison. Je sais bien que Seiya doit se débrouiller seul. Mais j'ai un peu peur pour lui."


"Allô Seika ? C'est Miho. Ca va, tout se présente bien ?"
"Bonjour Miho. Ou bonsoir. Tu m'appelles du Japon ?"
"Oui."
"Pour répondre à ta question, tout se passe bien. Mais j'en ai assez d'être immobilisée comme ça. J'ai l'impression d'être une baleine échouée. Le docteur a dit que la semaine prochaine au pire, il déclencherait l'accouchement."
"Seika... j'ai un problème... avec Seiya."

Seika ne répondit pas immédiatement. Elle savait que cela arriverait un jour.

"Parle. Que vous est-il arrivé ?"
"Je l'ai trouvé ivre, hier soir. Je l'ai ramené chez lui, et mis au lit. J'ai cru comprendre qu'il avait fait une grosse bêtise. Je crois qu'il s'est engueulé avec Athéna."
"Miho, tu dois rester calme. C'est maintenant qu'il a besoin de toi. Tu dois rester près de lui, et être attentive. Si tu sais l'écouter, si tu le comprends, alors tu auras gagné."

Seika ne savait pas pourquoi, mais elle avait toujours préféré Miho à Saori pour Seiya. Sans doute parce qu'elle connaissait Miho depuis toute petite. Saori était certes une très belle et douce jeune fille, mais Seika doutait que Seiya puisse trouver le bonheur auprès d'elle. Saori avait trop de personnalité, ils finiraient sans doute par se faire du mal, et Seiya était plus fragile qu'il n'en avait l'air. Du moins, affectivement.

"Tu crois, Seika ? Tu penses vraiment que je peux aider Seiya ? Je sais qu'il m'aime mais il ne me l'a jamais dit. Je ne veux pas le forcer, je ne veux pas qu'il croit avoir une dette envers moi, si je l'aide. Je ne crois pas..."

"Miho, écoute moi. Tu ne peux pas réfléchir correctement car tu laisses parler tes sentiments. Moi je peux réfléchir. Et je sais que c'est pour toi le moment idéal. Je ne veux que votre bonheur à tous deux. Fonce, Miho. Tu sais que le coeur de Seiya est convoité par d'autres. Profites de ton avantage sur elles maintenant. Tu ne vas pas forcer la main à Seiya, mais maintenant, il va ouvrir les yeux sur sa vie. Celle qu'il verra à ce moment-là, il faudra que ce soit toi."

Miho ne répondit pas. Mais elle reprit la parole, la voix plus décidée.

"Seika, je te tiens au courant. Tu me fais prévenir quand le bébé sera là, d'accord ?"
"D'accord, Miho. Bon courage."
"Toi aussi."


Seika était fière de son fils. Un beau bébé, qui avait les yeux de son père. Julian avait déjà décidé d'un nom pour lui, et Seika l'avait accepté. Son fils s'appelait Nérée, comme le roi des océans.

Seiya et Miho étaient ensemble dans sa chambre, et discutaient avec elle. Seika était heureuse que Miho ait réussi à enfin s'attacher Seiya de façon définitive. Miho lui avait expliqué que Seiya avait eu un conflit avec Saori, mais elle n'en avait pas dit plus. Seika soupçonnait un lourd secret que seuls eux trois partageraient, et elle ne voulait pas découvrir un aspect déplaisant de son frère. Elle en resterait là pour les explications, se contentant d'observer l'heureux résultat.

Seika observait le comportement du couple depuis qu'ils étaient arrivés. Ils semblaient plus proches que jamais, et Seiya laissait même échapper quelques petits gestes d'affection - non, d'amour - qu'il n'aurait jamais effectué en public, avant. Seika était certaine que Miho avait réussi à attirer Seiya dans son lit, et qu'elle lui avait démontré son amour en s'offrant à lui. Seiya déposa un baiser sur la joue de Miho, tandis que celle-ci parlait.

"Mais pourquoi Nérée ? C'était un roi cruel non ? Et il avait cinquante filles, si je me souviens bien de la mythologie."
"C'est parce que le petit Nérée a le pouvoir en lui. Poséidon l'a senti, lui aussi." Seiya avait l'air sérieux.

"Que veux-tu dire, Seiya ?" Seika devint grave. Quel pouvoir ?

"Julian ne te l'a pas dit ? Il n'a pas voulu t'inquiéter. Ton fils possède déjà un puissant cosmos. Tu as mis au monde un demi-dieu. Quand il sera grand, il sera assez puissant pour maintenir l'empire sous-marin à lui seul."

Julian avait expliqué à Seika que l'Empire qu'il dirigeait, au fond des mers, tenait debout par la force de sa volonté. Les huit piliers avaient été reconstruits par son cosmos, mais si un jour il disparaissait, l'Empire serait affaibli, et même risquait de s'écrouler.

"Tu dis qu'il a un pouvoir... divin ? Mais je suis humaine !"
"C'est pour cela qu'il est un demi-dieu. Mais il aurait aussi pu n'avoir aucun pouvoir."

Seika restait muette. Son fils n'était pas normal. Pas normal.

"Seika, n'aies pas peur de lui. Ton fils est peut-être un demi-dieu, mais ce n'est pas un monstre pour autant. Tu as juste une responsabilité supplémentaire : faire en sorte que jamais il n'utilise son pouvoir à mauvais escient."
"Je... Désolée. J'ai été surprise. Tu as raison. Pour le moment, ce n'est qu'un marmot qui a besoin de sa mère."

Nérée pleurait. Seika le confia à Miho le temps pour elle de s'installer confortablement, puis elle le prit dans ses bras et lui donna le sein. Miho la regardait avec envie.


"Oh Julian !"

Nérée avait grandi, Seika avait retrouvé son poids et son tour de taille normaux, comme si elle n'avait jamais eu d'enfant, et elle retrouvait maintenant avec délices les plaisirs charnels dont Julian et elle avaient dû se passer pendant un temps. Julian semblait empressé cette nuit, fougueux, même, comme s'il était en manque, ce qui était sans doute un peu le cas. Elle aussi avait désiré ces sensations, et avait dû attendre que le docteur l'autorise à nouveau à profiter des joies conjugales. Ce moment était délicieux pour elle. C'étaient ses retrouvailles avec son mari, son amant.

Julian se coucha à coté d'elle, en sueur, une fois leur étreinte achevée. Il caressait sa peau nue, voulant lui démontrer toute l'affection qu'il lui portait. Il voulait qu'elle se sente encore femme, même si elle avait désormais un fils. Il savait que ses propres parents s'étaient peu à peu éloignés l'un de l'autre après sa naissance, et il devait sans doute à ce comportement d'être fils unique. Il ne voulait pas répéter cette erreur, ne voulait pas que cet enfant les force à un rôle de parents uniquement.

Il était rassuré à ce sujet. Il la désirait toujours ardemment, et elle avait répondu aujourd'hui avec ferveur à ses caresses. L'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre était toujours intact. Seika le regarda en souriant.

"Tu sais encore t'y prendre. Moi, j'avais presque oublié. Tu t'es entraîné avec quelqu'un ?"

Julian fut piqué au vif. Ce soir, elle jouait la jalouse.

"Oui, je l'avoue. J'ai fait l'amour avec de nombreuses femmes. Mais si ca peut te rassurer, c'est ton visage que je voyais."

Julian disait cela en souriant, voulant la rendre plus jalouse encore, voulant prolonger le jeu. Mais Seika réagit violemment, contre toute attente.

"Et tu me dis ça comme ça ? Ca te fait ni chaud ni froid ? Tu me trompes et tu l'avoues en souriant. T'es vraiment un salaud."

Seika se leva d'un bond, et attrapa une robe de chambre.

"Mais Seika, je plaisantais voyons. Tu rigolais toi aussi, j'ai joué le jeu. Seika !"

Seika se retourna, apparemment furieuse.

"Ah ! tu plaisantais ! Et comment je devine, moi ?"

Julian n'y comprenait plus rien.


Seika était seule. Quand elle ne se sentait pas bien, elle aimait venir dans ce coin du jardin. C'était une cabane de jardinier, fermée la plupart du temps, mais elle en avait la clef. Personne ne connaissait ce refuge secret, où elle pouvait à loisir réfléchir sans être dérangée. Même Julian ne savait pas où elle était, car elle avait éludé ses questions à chaque fois qu'elle sortait de sa cachette et réapparaissait au manoir.

Seika ne comprenait pas sa réaction de la veille. Elle avait gâché leurs retrouvailles. Julian s'était montré conciliant, tendre, et ils avaient à nouveau fait l'amour mais le coeur n'y était pas. Pourquoi avait-elle dit cela à Julian ? Pourquoi avait-elle réagi si violemment ?

Elle savait que Julian n'avait rien fait de mal, savait que jamais il ne la tromperait. C'était un homme honnête, et il l'aimait, de tout son coeur. En fait, elle réalisa que depuis la naissance de Nérée, elle supportait moins bien les petits écarts de son mari. Qu'il la laisse au moment où elle avait besoin de lui, même s'il avait un rendez-vous urgent. Qu'il vienne l'embrasser ou jouer avec Nérée quand elle s'occupait de son bébé. De multiples petites choses, anodines, qu'elle ne supportait pas. Elle avait l'impression qu'il faisait tout pour l'énerver, mais elle savait dans le même temps qu'il n'en était rien. C'était sa faute, à elle.

Elle devait comprendre son comportement. De façon rationnelle. Cela était lié à la naissance, c'était certain, mais restait mystérieux. N'aimait-elle plus Julian ? Pourquoi était-elle jalouse ? Qu'avait-il fait qui l'ait rendue ainsi amère ? Elle envisageait toutes les solutions.

Sa montre-bracelet sonna. C'était l'heure du biberon de Nérée. Elle quitta son refuge, cadenassa la porte et retourna vers le demeure.

Nérée n'était pas dans sa chambre. Elle alla dans le salon, car Julian aimait l'emmener là pour lire tout en gardant son fils sur ses genoux. Ils n'étaient pas là. Seika commença à paniquer.

"Julian ! Julian !"

C'était dimanche, et les domestiques n'étaient pas à la maison ce jour-là. Seule la cuisinière reviendrait vers dix-huit heures pour préparer le repas. La maison était vide.

Seika se précipita au garage, constata l'absence de la Jeep. Julian était parti en emportant son fils. Seika était au bord de la crise de nerfs.


"Seika, tu vas bien ? Tu n'as aucune idée de l'endroit où il a pu partir ?"

Seiya était arrivé moins d'une minute après son coup de fil angoissé. Il arrivait du Japon. Seika était en larmes, pendue encore au téléphone. Hyoga arriva un instant plus tard, dans un éclair de lumière.

"Seiya, que se passe-t-il ? J'ai reçu ton message en passant, mais..."
"Julian est parti avec Nérée. Faut le retrouver."
"Bon sang, c'est quoi cette histoire ? Poséidon a..."

Hyoga venait lui aussi de ressentir l'appel. Les deux chevaliers se regardèrent puis disparurent en un instant, laissant Seika sur place. Seika entendit la voix de son frère résonner dans sa tête, comme s'il avait laissé un message.

"On l'a trouvé. Il appelle au secours."
 
 

Seika regardait Julian, en larmes. Les docteurs ne savaient pas s'il sortirait du coma. Nérée n'avait rien, mais elle avait failli le perdre, lui aussi. Julian l'avait sans doute trouvé dans son lit, Nérée ne respirait plus. La mort subite du nourrisson. Et Julian avait réagi instantanément. Il avait pris Nérée et l'avait emmené immédiatement à l'hôpital, dans la Jeep. Il roulait sans doute trop vite, et avait eu un accident. Seiya ne comprenait pas pourquoi Poséidon ne s'était pas téléporté avec son fils dans un hôpital, et il ne le saurait peut-être jamais. Quand il avait trouvé Julian, lui et Hyoga avaient eu du mal à l'extraire de la Jeep. Nérée n'avait rien, attaché à l'arrière, mais le choc l'avait par miracle ranimé. Il respirait difficilement, mais les docteurs l'avaient sauvé. Du jamais vu, avaient dit les pédiatres. Nérée était sauvé, mais Julian était entre la vie et la mort.

"C'est ma faute, j'aurais du surveiller mon bébé. J'aurais pas dû le laisser seul..." Seika sanglotait, et Seiya tentait de la réconforter. Mais rien n'y fit.

"Même si tu avais été là, cela n'aurait pas empêché Nérée de ne plus respirer. Julian l'aurait pris avec lui et cela aurait été la même chose, avec peut-être toi en plus dans la voiture. Ce n'est pas ta faute, c'est le destin."

Seika ne répondit pas.


Seiya avait trouvé une explication. Poséidon ne savait pas se téléporter. Et la vitesse de la lumière était insupportable pour Nérée. Voila pourquoi il avait pris la Jeep. Et quand Seiya était arrivé sur les lieux, il avait trouvé Julian inconscient, alors qu'une minute avant, il était encore capable d'envoyer un appel mental. Et chose étrange, l'enfant avait recommencé à respirer. Pour Seiya, c'était clair, Julian avait transféré sa vie en Nérée. Il avait choisi de se sacrifier pour son fils.

Cela faisait deux mois déjà que Julian était dans cet hôpital. Saori et Hilda avaient tenté de le ranimer, mais en vain. Aucune réaction ne semblait devoir jamais apparaître sur le visage de Julian Solo. Seika s'était installée à l'hôpital, pour veiller sur son époux. Elle avait confié Nérée à Seiya et Miho pour le moment.

Seika savait maintenant pourquoi elle avait réagi ainsi. C'était à cause de Poséidon. Elle avait très mal pris le fait que Nérée était un demi-dieu en puissance, un être destiné à régner sur un monde sous-marin à la place de son père. Elle détestait la part de Poséidon en Julian qui avait fait d'elle un instrument, une matrice pour mettre au monde un successeur divin.

Mais Poséidon avait sauvé son fils. Il avait sacrifié son immortalité, et sacrifiait cette fois sa vie pour sauver celle de son fils. C'était sûr, même si Julian mourait, Poséidon reviendrait, un jour. Mais ce serait dans si longtemps que son royaume n'existerait peut être plus. Poséidon avait sacrifié des décennies d'existence, tout cela pour un enfant.
 
 

L'électrocardiogramme s'arrêta. En quelques minutes, toutes l'équipe médicale s'activa autour du corps inerte de Julian, pour tenter de le ranimer. Chocs électriques, intraveineuse. Masque à oxygène, respiration artificielle. Seika assistait à l'acharnement des médecins, qui tentaient de ranimer un corps où aucune vie ne subsistait plus. Julian était mort, elle le savait.


"Regarde, Nérée. C'est ton papa. Regarde-le encore une fois, car c'est la dernière."

Seika tenait son fils dans ses bras. Elle savait qu'il ne comprenait pas encore ce qu'elle disait. Il ne comprenait pas pourquoi elle était si triste. Nérée agita un bras vers Julian, en babillant. Il semblait vouloir le toucher.

Seika s'assit au bord du lit, et effleura la joue de l'homme qu'elle avait aimé. Il était si beau. Elle revoyait encore le jeune homme qui l'avait trouvée en mer, dérivant. Cette homme qu'elle avait cherché pendant des jours. Cet homme qu'elle ne reverrait plus jamais.

Seika se mit a pleurer.

Elle se demanda quel serait son avenir, et celui de son fils, sans Julian. Nérée ne pouvait pas être déjà orphelin ! C'était injuste. Elle avait traversé tant d'épreuves pour enfin trouver le bonheur et tout s'arrêtait à cause d'un accident stupide.

Nérée continuait d'agiter le bras. Il voulait réveiller son papa.

Seika ne put plus supporter de rester à coté du corps de son époux. Elle se leva, tenant son fils dans ses bras, et quitta la pièce. L'enfant se mit a pleurer.

Seika s'arrêta soudain. Il ne pleurait pas devant son père, d'habitude. Pourquoi ce changement si brusque ? Elle eut une étrange impression. Nérée devait dire au revoir à son père. Elle retourna dans la chambre.

Elle s'assit à nouveau sur le lit, et posa son fils à coté de Julian. L'enfant tendit la main et effleura la joue de son père. Une lumière semblait émaner de lui. Dès le contact de la main de Nérée sur sa peau, Julian réagit. Ses joues d'abord puis tout son visage reprirent une couleur normale, puis il ouvrit les yeux. Il regarda Seika, et parla doucement.

"Bonjour madame Solo. Vous avez là un charmant enfant." Puis en souriant "Il t'en a fallu du temps, pour lui laisser me rendre la vie."

Nérée applaudissait, tandis que Seika se jetait au cou de Julian.


"Nérée, viens ici ! Tu joueras avec lui quand il sera plus grand. Pour le moment, c'est un bébé, il ne peut pas jouer."

Nérée revint en bougonnant. Il voulait voir Cassios, son cousin. Aujourd'hui tout le monde était rassemblé pour faire la fête au nom de Cassios, mais lui n'avait pas le droit de le voir.

"Ne pleure pas, Nérée. On ira lui dire bonjour tout à l'heure. Mais ensemble. Regarde, tu vois le monde autour de lui. Seiya et Miho ne savent plus où donner de la tête."

Nérée sourit. Il aimait déjà son cousin. Ce serait plus tard un compagnon de jeu. Nérée s'agrippa à la robe de sa mère.

"Dis maman, quand est-ce que j'aurais un p'tit frère ?"

Seika et Julian se regardèrent d'un air entendu.

"Bientôt. Plus tôt que tu ne le penses."
 
 

Seika regardait son mari. Il était en vie, bien en vie. C'était sans doute la plus dure des épreuves qu'elle ait eu à subir jusque là, mais elle avait été nécessaire. Désormais, plus rien ne lui faisait peur.


Fin de "Seika"
Prochain chapitre : "Dohko"