"Saint Seiya in Love : Seiya"

Chapitre 1 : "Premier amour ?"


Seiya se retournait dans son lit. Encore. Cela faisait déjà deux jours qu'il avait du mal à dormir, mais cette nuit, c'était encore pire. Il commençait à détester ces quelques semaines où il ne devait pas quitter le Sanctuaire, où il devait assurer la direction des armées d'Athéna - ou du moins ce qu'il en restait - en son absence. Mais tel était le rôle des Popes.

Après la guerre contre Hadès, il leur avait fallu surmonter bien des péripéties avant de retrouver cette Terre. Mais un mois après la fin de la Grande Eclipse déclenchée par le Seigneur des Enfers, Athéna et ses cinq chevaliers, tous resplendissants dans leurs armures divines, avaient trouvé la voie qui menait vers leur monde natal. Pas la suite, Athéna décida que le Sanctuaire ne serait plus dirigé par un seul homme mais par ces cinq nouveaux "chevaliers divins", à tour de rôle, ceci afin d'éviter un nouvel "incident Saga".

Et c'était le tour de Seiya. La journée durant, il avait dû s'occuper de la réorganisation du Sanctuaire, ordonner les travaux pour la reconstruction des Maisons détruites, gérer les problèmes d'intendance - il faudrait qu'il trouve quelqu'un pour cette tâche ingrate - et passer une partie de l'après-midi avec son disciple, le jeune Hélios. Après une journée bien remplie, il espérait trouver un sommeil réconfortant, mais il ne venait pas. "Pourquoi ?" se dit Seiya, le regard tourné vers sa constellation, visible par la fenêtre de sa chambre.


Saori tourna la poignée d'eau chaude et releva la tête, acceptant l'eau quasi brûlante coulant sur son visage. "J'avais vraiment besoin d'une douche bien chaude".

Besoin ? Le mot n'était pas juste. Elle avait passé presque toute la journée à son bureau, à signer des papiers et jeter un coup d'oeil sur des rapports. Le constat était toujours le même : la fondation Graad se portait bien, financièrement parlant. Les nouveaux contrats immobiliers s'ajoutaient aux bénéfices pétroliers, les oeuvres caritatives succédaient aux opérations sociales, et ainsi fonctionnait la grande fondation, attirant toujours plus d'argent, et redistribuant toujours plus. Tout cela elle le savait déjà, et n'avait pas besoin de rapports pour le lui confirmer; la journée avait donc été particulièrement lassante. Non, Saori n'avait pas BESOIN d'une douche, mais seulement envie.

"Envie", voilà un mot que Saori avait presque oublié. Il y avait déjà plusieurs années qu'ils étaient revenus d'au delà des Enfers, elle et ses chevaliers, et même si elle les avait souvent revus, il lui manquait cette envie de les voir plus souvent auprès d'elle, ce besoin qu'elle éprouvait auparavant de sentir leur présence à ses cotés, de se sentir avec eux. Eux, qui étaient là pour la protéger, et non la servir. Eux, dont elle était plus proche qu'elle ne l'avait jamais été d'aucun autre être humain.

Pourquoi n'avait-elle plus envie des revoir ? Qu'avaient-ils donc fait ? "Qu'ai-je donc fait ?" pensa-t-elle. Pourquoi ce lien merveilleux, unique, qui les unissait avait presque disparu ? Bien sur à chaque fois qu'elle les revoyait, elle était heureuse, mais ces rencontres se faisaient plus rares, et il lui arrivait de temps en temps d'en repousser une de quelques jours, comme si elle voulait retarder une désagréable corvée.

Depuis leur retour des Enfers, les choses avaient bien changé. Seiya, Ikki, Shun, Shiryu et Hyoga se succédaient au titre de Pope tous les deux mois. Seiya partageait ensuite son temps entre son disciple, Hélios, qu'il formait au Sanctuaire même, et Miho qu'il revoyait souvent, semblait-il, au Japon. Shiryu s'était définitivement installé aux Vieux Pics, avec Shunrei, Shun vivait à Tokyo, mais retournait tous les jours à l'Ile d'Andromède, pour superviser la formation des novices. Hyoga résidait en Sibérie, mais retournait souvent au Japon et en Asgard. Athéna l'avait en effet nommé, à sa demande, Ambassadeur du Sanctuaire auprès de Hilda car à l'époque Hyoga sortait avec Flamme. Ikki était la plupart du temps introuvable, semblant incapable de trouver la paix en un lieu fixe, semblant toujours fuir ses propres démons.

Quant à Saori, elle avait peu à peu abandonné son rôle même d'Athéna. "Ma présence au Sanctuaire est inutile, Seiya et les autres se débrouillent très bien sans moi. Mais la fondation a besoin de sa présidente". Avec cette excuse, Saori avait repoussé sa visite au Sanctuaire de trois mois. Ces trois mois lui avaient semblé une éternité. Son rôle au Sanctuaire était peut être terminé, mais sa tâche à la Fondation était péniblement ennuyeuse.

"La semaine prochaine, j'irai au Sanctuaire" se dit-elle. Saori tourna la poignée dans l'autre sens, et le jet d'eau se tarit. Elle regarda les filets d'eau couler le long de son corps nu, sortit de la douche et entreprit de se sécher. Elle se tourna et vit son image dans le miroir. Elle était désormais une femme, et non plus une jeune fille. Elle était particulièrement fière de sa poitrine généreuse, et de la forme parfaite de ses hanches. Son corps était parfait, son visage d'une plus grande beauté encore que dans le passé. Une vierge parfaite. "Si je pouvais être seulement parfaite" se dit-elle, se maudissant elle-même. "Pourquoi ne puis-je me faire aimer des hommes ?"

"Des" ? Pourquoi ce pluriel ?


"Mademoiselle, vous ne pouvez reporter plus longtemps ! Vous m'avez dit il y a bientôt un mois que vous deviez vous rendre au Sanctuaire pour voir l'avancée de la reconstruction. Bientôt, même les chevaliers vont oublier l'existence d'Athéna ! Et que va penser votre grand-père ? Ah ! Pardonnez-moi monsieur Kido..."
"D'accord Tatsumi, d'accord. Fais préparer l'avion nous partons dès ce soir."

Saori sortit de son bureau après Tatsumi et s'enferma dans sa chambre. Elle s'assit sur son lit, impassible, et poussa un profond soupir. Ce qui devait être fait...

Elle se releva, ouvrit un placard qui aurait pu servir de séjour à une famille entière, et choisit une robe. Blanche. Immaculée. Vierge. Elle détestait cette robe, et la trentaine de robes similaires, aux motifs, échancrures et coupes différentes, mais invariablement blanches, qui traînaient dans sa garde-robe.

Saori se regarda dans le miroir, tenant sa robe devant elle pour vérifier l'effet. Elle ressemblait vraiment à une déesse. Mais pas à une femme, qu'on aurait eu envie d'aimer, ou d'enlacer. Saori jeta la robe sur le lit et se mit à pleurer.


Lorsque l'avion se posa au centre du Colisée, Seiya était là, avec quelques gardes, pour accueillir sa déesse. Saori sortit de l'appareil, resplendissante dans sa robe blanche, plus belle qu'elle ne l'avait jamais été. Les gardes se mirent au garde-à-vous, l'air solennel. Seiya s'avança jusqu'au pied de l'avion, attendit que Saori ait franchi les quelques marches qui les séparaient, et s'agenouilla.

"Bienvenue au Sanctuaire, Déesse Athéna"
"Je vous remercie, Grand Pope."

Saori éclata de rire tandis que Seiya se relevait, souriant.

"Bien ! le protocole est terminé ! Comment vas-tu Seiya ?"
"Oh, moi ça va, aujourd'hui tout est calme. D'ailleurs c'est tous les jours comme ça. Ca en devient presque lassant. Nos batailles acharnées me semblent si loin que je me sens déjà devenir vieux !"
"As-tu des nouvelles de Shiryu et des autres ? Cela fait déjà un moment que je ne les ai pas vus."
"De ce côté-là, rien de nouveau non plus. Shiryu s'entraîne toujours aux Vieux Pics et Shunrei attend le jour où ils se marieront légalement. En attendant, elle refuse de consommer leur union ! Elle est plutôt vieux jeu, et je sais pas si Shiryu tiendra encore une année de plus ! Il va peut-être s'envoyer une jeune fille du village, juste pour montrer à Shunrei que les temps ont changé !"
"Oh ! Seiya, tu devrais avoir honte !"

Le ton de Saori était plus amusé qu'outragé. Il était vrai que Shunrei avait eu une éducation plutôt rigide, mais c'était là sans doute le fait de Roshi, qui devait avoir oublié sa propre jeunesse. Comment un homme qui avait été jeune au 18e siècle aurait-il pu élever une jeune fille moderne ? Si au moins la jeune fille avait vécu un temps hors de l'influence de Roshi, comme Shiryu, elle aurait sans doute été plus libérée.

Parler ainsi avec Seiya sur le ton de la plaisanterie était un réconfort pour Saori, et elle se demandait pourquoi elle avait tant repoussé cette visite. Mais au fond d'elle, l'appréhension et une certaine fébrilité grandissaient.

Elle sentait que quelque chose allait se passer. Mais quoi ?

Saori et Seiya se dirigèrent vers le Grand Temple, la procession de gardes suivie de Tatsumi sur les talons. Ils discutaient légèrement de leurs amis.

"Et Hyoga ?"
"Pas vu depuis un bout de temps. Sans doute en Sibérie. On m'a dit que son disciple était une fille, et qu'elle était vraiment douée."
"Ah ? et Ikki ?"
"Là non plus, je sais pas. Il est passé une fois au Sanctuaire mais je n'y étais pas. Je pense que Shun doit en savoir plus."
"Ca je n'en sais rien. Il m'a écrit il y a déjà quelques temps mais c'était pour m'annoncer qu'il avait demandé sa main à Junon. Ils comptent se marier l'année prochaine. Il est bien le seul à m'avoir donné de ses nouvelles. Mais il ne m'a pas parlé de Ikki."
"Shun marié ? Bin mince alors ! Lui qui avait l'air le moins viril et le moins assuré de nous tous, c'est peut-être lui qui aura une femme et des gosses avant tous les autres !"
"Alors dépêche-toi, Seiya, de te trouver une épouse, tu le battra peut-être !"

Saori attendit un instant.

"Oui, peut-être qu'il faudrait que je me bouge." Seiya était sérieux, mais il ajouta, l'air malicieux : "Mais je peux te renvoyer le conseil, Saori !"
"En effet Seiya, en effet..."

Leur marche vers le Temple se poursuivit dans un silence total.


"Shun, tu penses à me ramener des algues ? Je voulais te faire une soupe de Miso demain soir."
"D'accord Junon. Faut que j'y penses. Mais tu sais, tu n'es pas obligée de me faire à manger tous les jours, je peux dîner tout seul à Tokyo, aussi. Je sais que ça te donne beaucoup de travail et..."
"Mais non, ne t'excuses pas. J'aime faire la cuisine pour toi. Alors tu promets de me ramener des algues demain ?"
"Promis. A demain, Junon."
"A demain, chéri."

Junon regarda Shun disparaître dans le ciel. Cela semblait si facile pour lui de rejoindre le Japon depuis l'Ile d'Andromède. Il semblait juste donner une impulsion, comme s'il franchissait un ruisseau. Il pouvait ainsi traverser les océans et rentrer tous les soirs dormir à Tokyo, et revenir sur l'Ile tous les matins.

Il pouvait partir quand il le voulait. Et pour le retenir un peu, pour profiter de sa présence quelques instants de plus, elle s'était mise à la cuisine, et l'obligeait pratiquement à manger tous les soirs avec elle. Elle avait peur de le voir partir un jour sans qu'il ne revienne. Comme lors de la guerre d'Hadès, où elle avait cru qu'il ne reviendrait jamais.

C'était toujours à elle de prendre des décisions, de le forcer à s'engager plus avant dans leur relation. Il lui avait fallu des mois avant qu'elle ne lui arrache la promesse de mariage, des mois encore avant qu'il n'accepte une date, toujours retardée. Comme s'il ne voulait pas l'épouser, comme si la perspective de passer sa vie avec elle lui répugnait.

Et pourquoi rentrait-il à Tokyo tous les soirs ? Elle avait même imaginé qu'il avait une maîtresse, mais Shun semblait si indécis, si hésitant, qu'elle était incapable de s'imaginer une fille s'intéressant à lui. Et pourtant, ne l'aimait-elle pas, elle ?

Elle en avait assez de cette situation. Elle détestait faire la cuisine, détestait voir son homme partir le soir - d'ailleurs à Tokyo, il fait jour au même moment ! - et détestait lorsqu'il devait prendre son tour comme Pope. Cette absence de deux mois lui pesait, et le voir revenir était un soulagement, mais il était toujours aussi distant. On aurait dit que la flamme qui l'animait auparavant lors de ses combats avait disparu. On aurait dit que la vie elle-même lui était devenue ennuyeuse.

Junon frissonna. Leur avenir lui paraissait de plus en plus sombre...


"Ikki ! Ca alors pour une surprise !" Seiya était stupéfait. Saori dormait encore dans la chambre d'Athéna, mais lui avait quitté les appartements qui étaient réservés au Pope et repris son travail dès l'aurore. Et voila qu'au milieu de la matinée, Ikki surgit dans la salle du Pope, manifestement radieux, une jeune femme à son bras !

Ikki : "Seiya, ça fait longtemps !"
Seiya : "Une éternité tu veux dire ! Mais que nous as-tu ramené là, cachottier !"
Ikki : "Je te présente Ludmila. Je l'ai rencontrée en Roumanie..."
Seiya : "Qu'est ce que tu faisais en Roumanie ?"
Ikki : "Ah ! Mais laisse-moi finir ! Et puisque tu poses des questions inutiles, tu ne sauras rien, ça t'apprendra les bonnes manières !"
Seiya : "Quoi !? Ah non c'est pas juste !". Se tournant vers Ludmila : "Alors comme ça vous êtes amoureuse de ce grand nigaud ?"
Ludmila : "Oui, en effet..."
Seiya : "Eh vous parlez bien le japonais !"
Ikki : "Mais Seiya t'es vachement impoli de couper la parole tout le temps !"
Ludmila : "C'est Ikki qui m'a appris le japonais. Ca lui a pris un temps fou."
Seiya : "Ah c'est donc ça... Voila pourquoi tu ne donnais plus signe de vie... Tu lui enseignais le japonais sous la couette !!"

Ikki rougit, d'embarras puis de colère, tandis que Ludmila esquissait un sourire, les joues pourpres.

Ikki : "Sei... Seiya ! Comment oses-tu ! Tu... tu... t'as pas le droit de dire ça !"
Ludmila : "En fait, nous sommes venus voir Athéna pour lui demander de bénir notre union..."
Seiya : "Ah bon ? Et vous vous mariez quand ?? Vous savez, Saori, enfin, Athéna est toujours très occupée, et je sais pas si..."
Ludmila : "Nous sommes déjà mariés civilement. Nous voulons juste qu'Athéna bénisse notre union... et notre enfant."

Seiya ouvrit des yeux comme des soucoupes.

Seiya : "Hein ? Tu.. euh vous... " puis s'adressant à Ikki : "tu veux dire qu'elle est enceinte ? Mais enfin c'est pas possible, pas si vite ! Comment vous avez fait ?"
Ikki : "Tu tiens vraiment à avoir un dessin ? Je croyais que depuis le temps tu savais comment on s'y prenait. Alors voilà, les abeilles..."
Seiya : "Oh ça va, hein ! Ce que je te demandais, c'est comment tu t'y es pris pour trouver une si charmante femme, l'épouser et la mettre enceinte depuis la dernière fois que tu es passé ici. Après tout, je ne me souviens pas qu'on te considérait comme un tombeur."
Ikki : "Dis tout de suite que je suis moche et que je sais pas m'y prendre ! Grrr !"
Seiya : "De toutes façons j'avais raison pour les cours sous la couette..."
Ikki : "Seiya !!"


On était en mars, et le temps était doux, ce matin en Grèce. Les jardins du Temple étaient fleuris, et Saori aimait cette saison pour cela. Assise à une table en marbre, à l'ombre du temple, Saori buvait du thé en écoutant Ikki raconter sa rencontre avec son épouse. Une sensation étrange montait en elle.

"... Et c'est ainsi que nous avons fait connaissance. Ensuite, eh bien nous sommes restés un moment de bons amis, mais cette situation n'a pas duré car nous avions bien compris l'un et l'autre ce que nous éprouvions."

Ludmila reprit. "Et puis un jour, je me suis rendue compte que j'avais du retard, alors après avoir vu un médecin, j'ai annoncé à Ikki que j'étais enceinte d'un mois. Il failli s'évanouir sur le coup ! Et tout de suite après, il m'a demandé en mariage. Nous nous sommes mariés en Roumanie il y a deux mois et voila !"
Seiya : "Euh... alors si je compte bien, le bébé est prévu pour dans six mois au plus c'est ça ?"
Ikki : "C'est bien Seiya ! T'as appris à compter alors !"
Seiya : "Ikki !"
Ikki : "J'espère que vous viendrez nous voir à sa naissance, nous avons décidé de nous installer dans son village. Il y a tant à faire là-bas..."

Un silence.

Saori s'adressa à Ludmila directement pour la première fois. "Ludmila, j'espère que vous vivrez très heureuse avec Ikki. Je pense qu'il fera un bon époux."
"Merci Déesse Athéna."
"Non, voyons, pas de 'déesse' entre nous. Appelez-moi Saori. Vous savez, Ikki est quelqu'un de responsable, et en plus quelqu'un de très important. Je sais que je peux compter sur lui en cas de coup dur."
"Je sais. Même s'il est mystérieux, je sais que c'est un homme qui a beaucoup de bonté."
"Vous a-t-il parlé de sa charge de chevalier ? Savez-vous quel est son rôle au Sanctuaire ? Je sais que Ikki ne dit pas toujours tout, il est un peu secret."
"Saori..." Seiya ne voyait pas où Saori voulait en venir, mais Ikki était gêné que l'on parle de lui ainsi, et Seiya voulait l'aider.

Saori continuait. "Vous savez, les chevaliers sont chargés de me protéger pendant les guerres divines. Ils risquent leur vie à chaque instant. C'est leur rôle, leur destin, et ils l'acceptent. Peu nombreux sont les chevaliers qui reviennent vivants d'une de ces guerres, et c'est pour cela que les chevaliers sont sans attache, afin de ne pas faire souffrir ceux qui restent. Il faudra que je vous présente Miho et Shunrei, elles auront beaucoup à vous raconter sur cette angoisse, sur l'attente à chaque guerre, qu'elles ont eu à supporter. Cela pourra peut-être un jour vous servir."

"Saori Kido !" Seiya utilisait rarement le nom de famille de la jeune femme. "Voyons... Ludmila, tu n'as rien à craindre. Ikki est fort, peut-être même le plus fort de nous tous. Nous sommes toujours revenus victorieux de nos batailles, et de plus nous sommes désormais en paix. Je ne pense pas qu'une nouvelle guerre se déclare avant des décennies, voire des siècles. Ne t'inquiètes pas."

"Ou.. oui. Ca va. Merci."
"Bien. On y va Ludmila ?" Ikki semblait troublé, lui aussi, et pressé de partir.
"A bientôt Ikki. Ludmila, prends soin de toi."
"Au revoir, Athéna" Ikki s'inclina.
"A bientôt, chevalier." Saori semblait insister sur le titre.

Ikki s'éloigna de quelques pas, souleva Ludmila et la prit dans ses bras. Sa femme accrochée á son cou, Ikki regarda vers le ciel et s'élança. En un instant, il avait disparu, et était sans doute déjà arrivé à destination. Seiya savait que Ikki ne risquerait jamais la vie de sa femme, et qu'il devait sans doute la protéger de l'accélération par un quelconque moyen, mais il faudrait sans doute qu'il change un jour de moyen de transport.


"Mais enfin, Saori, qu'est ce qui t'a pris ? Tu voulais la terroriser ou quoi ? Je ne te reconnais pas, là ! Tu avais un air si glacial, si détaché, tu parlais de Ikki comme d'un objet ! Qu'est ce qui t'arrive, voyons ?"

"Seiya, tu m'emmerdes ! Il fallait bien que je la prévienne qu'elle n'est pas à l'abri du veuvage. Vous n'êtes pas immortels, mais vous avez tendance à l'oublier !"

Seiya était surpris. "Tu jures, maintenant ? C'est nouveau ça. Mais qu'as-tu donc, Saori, tu sembles ne plus être la même qu'avant."

"J'ai changé Seiya. Je ne suis plus la petite fille de Kido, ni la jeune fille fragile que tu as connue. Saori prend le pas sur Athéna. Il est temps que je m'affirme comme femme, et plus comme déesse. De toutes façons, en temps de paix, qui a besoin d'Athéna ?"

Seiya ne sut que répondre et regarda Saori rejoindre seule le temple. Etait-elle tout simplement jalouse du bonheur que semblait irradier Ludmila ?


Seiya se retourna dans son lit. Le sommeil était revenu, la nuit précédente, mais cette fois-ci, il ne venait pas. Pourquoi avait-il pu dormir la nuit dernière ? Etait-ce dû à la présence d'Athéna ? ou de Saori ? Il savait qu'il éprouvait de l'amour pour elle, mais il s'était toujours demandé si cet amour n'était pas que de la compassion. Comme il supposait que Hyoga, Shiryu et les autres éprouvait un amour comparable envers elle. Mais depuis quelque temps, il savait qu'il n'était pas comme eux. Saori apparaissait souvent dans ses rêves - quand il arrivait enfin à dormir - mais elle n'était plus alors Athéna. Seiya disait aimer Miho, il essayait de la revoir le plus souvent possible, mais Saori était présente dans ses pensées, parfois dans ses rêves érotiques. Sans doute était-ce pour cela qu'il n'arrivait plus à dormir. Il n'avait pas le droit de penser à Athéna comme cela, et inconsciemment, son esprit s'empêchait de dormir pour éviter de rêver d'elle.

"Il faut que j'arrête de penser à elle. Moi, c'est Miho que j'aime". Seiya enfouit sa tête dans l'oreiller, et passa une nuit plus blanche encore que les autres.


Chapitre 2 : "Passage à l'acte"


Shiryu apparut en milieu d'après-midi, sans s'annoncer. Il était étrange et Seiya trouva qu'il avait les traits tirés.

"Ah ! Bonjour Shiryu ! Comment vas-tu vieux frère ?"
"Salut Seiya. Je venais voir Athéna, la fondation m'a dit qu'elle était ici."
"Qu'est ce qu'il y a ? Tu viens lui annoncer ton mariage toi aussi ?"
"Mais de quoi tu parles ?"
"Ahah ! je t'expliquerai. Viens, elle doit être dehors."
 
 

"Alors Ikki est passé hier et est reparti de suite. C'est dommage que je l'ai raté."
"Bon c'est pas grave, tu le verra au baptême du p'tit."

Shiryu redevint sérieux.

"Seiya, j'ai un problème. Je ne sais pas si j'épouserais Shunrei."
"Oh ? tu rigoles j'espère."
"Non. Je suis on ne peut plus sérieux. Vois-tu j'ai l'impression que notre relation n'évolue pas. Nous nous regardons, nous nous parlons poliment, faisons des projets d'avenir, mais j'ai l'impression qu'un mur s'est construit entre nous."
"Tu me caches un truc. La dernière fois, tu me parlais encore de ton mariage à venir avec ferveur. J'avais l'impression que tu étais pressé de l'épouser. Qu'est ce qui s'est passé ? Vous vous êtes engueulés ? Pas la peine de mentir, t'as pas l'air en paix avec toi-même. Si tu voyais ta tronche d'ailleurs..."
"Et merde ! Ca se voit tant que ça ? Seiya, je... j'ai fait une connerie."
"Je m'en doutais. OK, on va d'abord chez moi, tu me racontes tout, et après on ira voir Saori."
"Je préférerais en parler aussi avec elle. Elle saura m'aider."
"A ta place, je ferais pas ça. Elle est pas à prendre avec des pincettes en ce moment. Je crois qu'elle a ses règles."

Chez Seiya :

"Alors ? Je t'écoute."
"Ca s'est passé il y a deux semaines. Je faisais un tour dans une région de la Chine que je ne connaissais pas. Je suis tombé sur une fille en train de se noyer dans une rivière..."


2 semaines plus tôt, en Chine.

Shiryu plongea immédiatement des qu'il eut vu l'infortunée nageuse. En un instant, il remonta le courant et la rejoignit. Il la sortit de l'eau, mais elle avait déjà perdu conscience. Shiryu la ramena sur le rivage, lui fit régurgiter l'eau qu'elle avait avalé puis fit du feu. Shiryu n'avait pas la moindre idée de la présence d'un village à proximité ou non. De plus comment savoir d'où venait la fille ? Et comment la laisser là pour chercher du secours ? La meilleure solution était d'attendre ici, dans la forêt, qu'elle retrouve ses esprits.

Quand la jeune fille se réveilla, il faisait nuit noire. Quelqu'un avait ôté ses vêtements et les avait mis à sécher près d'un feu. La jeune fille, Tuan, était couchée sur de larges feuilles souples d'une plante locale, et sa nudité était cachée avec deux autres grandes feuilles.

"Désolé, je n'avais que ça sous la main." Elle vit le jeune homme, assis près du feu, qui lui tournait le dos. "Je t'aurais bien donné ma chemise, mais elle était trempée elle aussi, et il valait mieux que tu n'aies pas froid."
"Merci. Toi courageux."
"Tu ne parles pas cantonais ?"
"Un peu. Pas beaucoup parler cantonais dans village à moi."
"Tu te débrouilles pas mal."

Shiryu entendit un bruit, mais il ne voulait pas se retourner. Elle devait s'être levée pour vérifier si ses vêtements étaient secs, mais ils ne l'étaient pas. Ni les siens d'ailleurs. Il avait ôté sa chemise pour la faire sécher mais avait tenu à garder son pantalon, même trempe. Question de pudeur.

"C'est toi avoir déshabillé moi ?"

"Euh... oui". Shiryu sentait le sang affluer dans ses joues... et ailleurs. Il avait bien essayé de lui ôter ses vêtements sans regarder mais la tâche s'était révélée impossible. Elle était vraiment superbe. Shiryu inspira trois fois et se concentra sur autre chose pour calmer ses afflux sanguins.

La jeune fille s'approcha et s'assit juste derrière lui, dos à dos. Shiryu sentait son dos nu contre le sien, et son trouble augmenta. Il faisait des efforts pour garder son calme, mais la jeune fille parla et Shiryu dut se concentrer sur la conversation, choisissant avec soin des mots simples pour faciliter la tâche de la jeune fille.

"Moi Tuan. Et toi ?"
"Mon nom est Shiryu."
"Toi avoir sauvé ma vie."
"C'est normal."
"Moi avoir une dette énorme pour toi."
"Non, ce n'est rien."
"Mais moi pas avoir argent. Toi avoir chance. Moi être belle, les garçons du village dire."

Shiryu déglutit. La jeune fille se releva et vint à nouveau s'appuyer contre son dos, son visage au creux de l'épaule du chevalier. Elle se serrait contre lui, et Shiryu sentait, pressés contre son dos, les seins de la jeune fille. Il jeta un coup d'oeil vers le bas, voulant confirmer par la vue ce qu'il ressentait. "Pourvu qu'elle regarde pas en bas ! Bon sang, avec mon pantalon mouillé, c'est encore pire ! On dirait un cheval !"

"Comment moi pouvoir payer ma dette ? Toi savoir ? Moi pas avoir d'argent."

Shiryu sentait instinctivement où elle voulait en venir, mais se sentait incapable de réagir. C'était comme si ses deux bras frêles qu'elle avait passé autour de son cou avaient eu une force inimaginable, capable de le retenir, lui, l'un des cinq chevaliers les plus forts du Sanctuaire. Son esprit luttait, mais il sentait que toute résistance était inutile. Son corps devenait plus fort que sa volonté.

"Ta volonté doit être plus forte que ton instinct." Telles étaient les paroles de son vieux maître. O combien dérisoires elles lui semblaient dans cette situation !
"Moi pas aveugle. Moi avoir vu ton gros truc dans pantalon. Toi vouloir paiement en nature."
"Non, non, écoute, j'ai... j'ai déjà une femme qui m'aime, et je l'aime et je ne veux pas... c'est juste parce que tu es là, et moi aussi et..."
"Qui saura ? Toi aider, moi payer. C'est tout. C'est normal."
"Mais tu ne me connais pas ! Comment peux-tu..."
"Toi fort, courageux. Beau aussi. Tu pas obliger moi. Moi choisir faire ce que moi vouloir. Toi laisser faire par moi."

Shiryu tenta une dernière fois de la repousser mais il lui semblait avoir autant de force qu'un bébé. La jeune fille se lova contre Shiryu, ouvrit son pantalon et se pencha sur lui.


"Et elle t'a fait une gâterie ? Et bin mon cochon, tu t'es pas ennuyé !"
"Seiya arrête s'il te plaît. J'ai vraiment honte. Le pire n'est pas ce qu'elle m'a fait. C'est mon comportement ensuite qui a été lamentable. Je ... je lui ai fait l'amour."
"Hein ?! Ah elle est bien bonne celle-là ! Je t'imagine, tiens, dans les fourrés, tout nu avec ta chinoise ! C'était agréable au moins ? A moins qu'un écureuil t'ait gâté la fête en confondant tes bijoux de famille avec des noisettes ?"
"Te fous pas de moi. Tu te rends compte si elle tombe enceinte ?"
"Ah, ça c'est ce qui arrive quand on n'a jamais de capote sur soi. Ou alors fallait s'arrêter après la 'sucette à l'anis' !"
"C'est pas drôle. J'ai tellement honte de moi. Depuis, j'arrive plus à regarder Shunrei en face. J'ai l'impression de l'avoir trahie. D'avoir trahi l'Ordre. J'ai même pensé à rendre mon armure."
"Fais pas de bêtise. Réfléchis calmement. Je vois deux possibilités : soit tu aimes vraiment Shunrei, soit tu l'aimes pas."
"Je l'aime."
"En es-tu sur ? Est-ce que serait pas plutôt une sorte de tendresse ? Tu veux la protéger, mais veux-tu passer le reste de ta vie avec elle, lui faire des gosses, tout ça ?"
"Je me suis promis de l'épouser. Ca fait longtemps déjà. Je ne peux pas revenir sur ma parole, surtout envers moi-même. Mais après ça, je ne sais pas si je pourrais."
"Les promesses qu'on fait quand on est gosse, ça compte pas. Qu'est ce que tu connaissais à l'amour ? Des mecs qui se marient parce qu'ils l'ont promis quand ils étaient gamins, on voit ça que dans les manga comme Dragon Ball, pas dans la vie ! "
"Ah bon, y a ça dans Dragon Ball ?"
"Oui. Maintenant, laisse-moi finir. Soit tu l'aimes et tu lui avoues, mais elle te pardonnera. Soit tu ne lui avoues pas, mais tu le regretteras toute ta vie. Soit tu réalises que tu ne l'aimes pas, et tu le lui dit. Mais si tu penses encore un peu à elle, ne la fais pas souffrir et ne gâches pas sa vie. Fin du discours moralisateur."
"Ouais. J'suis pas dans la merde, moi."
"Fallait pas te laisser aller. C'est vrai aussi que Shunrei t'a pas aidé à évacuer la pression, si tu vois ce que je veux dire."
"Laisse-la en dehors de ça, s'il te plaît. C'est vraiment ma faute."
"Et arrête de culpabiliser, ça m'énerve."
 
 

"Bon, j'y vais Seiya. Je passe voir Saori et je retourne en Chine. Je pense pas déballer tout ça à Saori, surtout si c'est pas le moment. A la prochaine Seiya."
"Salut Shiryu."

Seiya regardait son ami s'éloigner puis se ravisant :
"Eh Shiryu, attends ! Dis, elle était vierge ?"
"Non, je crois pas."
"Alors elle savait ce qu'elle faisait. T'inquiète pas."
"Merci Seiya. Promets moi que tu feras pas pleurer Miho."
"Promis."

Pourquoi Miho ?


Seiya était assis devant une grande table, des plans étalés devant lui. Le responsable des reconstructions était en train de lui présenter ses projets pour la nouvelle Maison de la Vierge, qui avait été presque entièrement détruite lors de la guerre d'Hadès. Mais Seiya n'écoutait même pas ce que l'homme lui disait, car il était perdu dans ses propres pensées.

"Que m'arrive-t-il ? Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à m'intéresser à ce qu'il dit ? Je me fous de la Maison de la Vierge, mais je devrais pas. C'est mon rôle. Pourquoi j'y arrive pas ? Ca fait des semaines que ça va pas, et ça empire depuis... depuis que Saori est là. Et les bonnes nouvelles des copains aussi. Ah oui, quelles bonnes nouvelles ! Le plus fidèle de nous tous, Shiryu, qui trompe sa nana. Le plus solitaire qui fonde déjà un foyer. Le plus timide qui fait le grand saut. Et Saori qui fait la gueule. Tiens, il manque plus que des nouvelles de Hyoga et ça sera la totale. Et moi, qu'est ce que je fous au milieu de tout ça ? Je fais plus mon job comme il faut, je dors plus la nuit, je sers de défouloir ou de confessionnal aux autres. Bon sang, il me faut des vacances ou je vais devenir cinglé !"

"Seigneur Seiya, vous m'entendez ?"
"Hein ? Ah pardon, j'ai décroché un moment. Vous disiez ?"
"Vous semblez fatigué. Souhaitez-vous que l'on remette ceci à plus tard ?"
"Oui. S'il vous plaît. Je suis désolé."

Seiya s'éloigna de la table, toujours tourmenté.

"Je vais aller voir Saori. Lui demander des vacances. Et demander à Shun de prendre son tour en avance. Je confie Hélios à Marin, et je fonce me dorer la pilule à la plage avec Sao..! Merde ! avec MIHO ! Bon sang ! A quoi je pense ?"


"Saori, je voudrais te parler."
"Ca tombe bien, moi aussi. Je voudrais que tu ailles voir Hyoga en Sibérie demain. Il est le seul à ne pas avoir donné de ses nouvelles, et je voudrais être tenue au courant."
"Au courant de quoi ? Il doit s'entraîner avec son élève et c'est tout. Enfin, si tu veux que j'y ailles, ça me donnera une occasion de le revoir. Mais je voudrais te demander une faveur. Deux semaines de vacances. Depuis quelques temps je dors mal et là je suis crevé. Si Shun peut me remplacer..."
"D'accord. Tu vas en Sibérie, tu reviens me raconter tout ça et tu pars en vacances. Pas la peine de déranger Shun, je vais rester au Sanctuaire moi-même quelque temps, ça me fera du bien."

Saori retourna vers le jardin, laissant Seiya seul.

"Eh bien ! Moi qui pensais qu'elle allait refuser après l'engueulade d'hier ! Bon, j'espère au moins que les nouvelles de Hyoga ne seront pas du même acabit que les autres !"


"Hyoga !"
"Ah Seiya ! J'ai été prévenu que tu allais venir. Nous t'attendions."

Hyoga n'avait pas beaucoup changé, mais quelque chose d'indéfinissable faisait qu'il paraissait plus mûr.  Peut-être cette fine moustache blonde qui commençait à apparaître sur sa peau bronzée comme celle d'un skieur ? En tout cas, Seiya ne s'attendait pas du tout à trouver une jeune fille de son âge à ses côtés !

Seiya : "C'est toi... euh vous, son disciple ?"

Seiya n'en croyait pas ses yeux.

Hyoga : "Eh oui, Seiya, et je peux t'assurer qu'elle est sacrement douée !"
Seiya : "Mais... pourtant... les chevaliers commencent plus tôt leur apprentissage, non ? A six ou sept ans, d'habitude à cet âge on a fini la formation."
La fille : "Il parait que j'ai toujours été précoce."
Hyoga : "Tu sais, Seiya, l'âge ne fait pas tout. Quand je l'ai rencontrée, j'ai tout de suite senti qu'elle avait un cosmos, même si elle n'avait jamais eu de formation pour le développer. Et ensuite, je me suis aperçu qu'elle avait une affinité particulière avec la glace. Elle a maîtrisé la Poussière de Diamant en moins d'un an, alors que ça m'avait pris un temps fou !"
Seiya : "OK OK je me rends à l'évidence. Mon nom est Seiya. Enchanté..."
La fille : "Natassha. Mais appelle-moi Naty, comme Hyoga."
Seiya : "Naty. Bienvenue parmi les serviteurs d'Athéna, les dingues les plus dangereux de la planète."
 
 

La cabane de Hyoga n'avait plus grand chose à voir avec celle que Seiya avait déjà visité. Il était clair qu'il y avait une femme dans cette maison. Tout était propre, net. Une discrète décoration faisait ressembler la chambre de Seiya au Sanctuaire à une austère cellule de moine. Hyoga laissait donc à Naty beaucoup de liberté pour entretenir SA maison. Seiya commençait à avoir des doutes sur son ami. Naty était-elle seulement un disciple ?

"Entre, Seiya. Il fait beau aujourd'hui mais nous sommes encore en mars, et le temps peut changer à tout moment. Tu prends quelque chose ?"
"Oui, je veux bien. Ca me réchauffera. Tu achètes bien toujours la même vodka locale ?"
"J'ai eu Saori au téléphone hier soir. C'est pour ça que je t'attendais. Elle m'a dit qu'on serait bientôt tontons. Shun aussi va se marier, ça par contre je m'y attendais pas."
"Méfiez-vous de l'eau qui dort. Mais il faudrait que j'aille les voir, pour m'assurer que tout va bien entre eux. Shiryu aussi m'inquiète, j'te raconterai tout à l'heure."
"Tu te fais mère poule maintenant ? C'est pas trop ton style."
"Eh ! Ch'uis pas une mère poule !"

Naty entra dans la pièce et découvrit un spectacle étrange : Seiya était assis sur Hyoga, renversé sur le canapé et lui tirait les joues, lui faisant d'horribles grimaces, tandis que Hyoga tentait vainement de lui faire lâcher prise en le chatouillant. Elle eut un instant l'impression que c'étaient là deux gamins se taquinant après une longue séparation. Mais après tout, n'était-ce pas le cas ?


"Hyoga, il est temps que je rentre. Merci pour cette journée. Et encore merci pour le repas, Naty, c'était délicieux."
"Tu va pas partir comme ça, voyons, il y a presque une tempête dehors. D'accord, pas de quoi arrêter un chevalier mais ça te donnera une bonne raison pour dormir ici."
"Voyons Hyoga, s'il ne veut pas..." Naty semblait réticente.
"Mais si, mais si, allez reste, Seiya."
"OK si ça te fait plaisir. Mais j'espère que vous avez encore la place ici."
"T'en fais pas pour ça. T'a qu'à dormir dans ma chambre, j'irai sur le sofa."
 
 

Seiya ne dormait pas. Toujours la même insomnie. Il était déjà près de deux heures du matin. Un grincement. Seiya se figea. Il jeta un coup d'oeil alentours et aperçut un mouvement entre les rondins du mur. La maison était toute en bois, aussi un grincement pouvait se produire, mais le jeu des ombres du feu dans l'âtre du séjour était différent de ce qu'il avait pu observer depuis qu'il s'était couché. Seiya changea silencieusement de position, afin de mieux voir par le mince interstice, et retint sa respiration.

Hyoga était bien sur le sofa, mais il n'était pas seul. Seiya trouvait la scène irréelle. Il supposait bien une idylle entre son frère et ami et sa "jeune" disciple, mais les voir ainsi, nus, dans la lumière ocre de la cheminée, ah ça non ! il ne s'y attendait pas. Maintenant, il comprenait pourquoi Naty semblait réticente à l'idée de le voir passer la nuit ici. La jeune femme devait avoir prévu une soirée avec son amant, à moins que ces exercices physiques ne soient devenus leur nouvel entraînement quotidien !

Mais depuis quand Hyoga était-il si assuré avec les femmes ? La mort de sa mère l'avait tant traumatisé qu'il n'avait jamais réussi à rester très longtemps avec une petite amie. Erii, Flamme, et Freiya aussi avaient été ses flirts mais Seiya doutait même que Hyoga ait réussi à les embrasser tant il paraissait coincé en leur présence. Et voila que le même Hyoga était sous ses yeux en train de faire l'amour à sa compagne, d'une manière si assurée, montrant une telle expertise qu'on aurait dit qu'il avait fait ça toute sa vie. Seiya crut un instant que Naty n'arriverait jamais à contenir des cris qu'elle parvint tout de même à réduire à de faibles sanglots.

Seiya regardait Naty, dont le corps bronzé luisait dans la lumière de la cheminée comme dans une scène similaire de 'Conan le Barbare'. Naty était brune. C'était la réponse à la question qu'il se posait. Hyoga avait toujours eu des petites amies blondes, comme l'était sa mère. Et là, Naty était brune. Hyoga avait donc résolu son Oedipe. Tant mieux pour lui.

Seiya réalisa soudain à quel point il était seul. Il était en train de regarder un de ses meilleurs amis faire l'amour en douce à sa femme dans sa propre demeure. Shiryu venait d'avoir sa première expérience sexuelle, mais cet écart de conduite le rapprocherait d'autant de Shunrei. Shun avait décidé de s'engager avec Junon et Ikki était allé encore plus loin car il avait déjà accepté la paternité, la responsabilité à vie d'une famille. Et lui, Seiya, co-chef du Sanctuaire, porteur d'armure divine, un guerrier exemplaire, un héros, était le seul des cinq chevaliers à être encore seul.

Il y avait bien Miho. Mais il n'avait encore jamais osé aller plus loin que le baiser. Il sentait inconsciemment que son amie ne voudrait pas que leur relation aille plus loin sans un engagement de sa part mais il n'était pas encore sûr de lui, de ses sentiments. Pourquoi Saori obsédait-elle ses pensées ainsi ? Il aurait dû rêver de Miho et non de Saori. C'est Miho qu'il devrait imaginer nue dans ses fantasmes, et non Saori.

Un gémissement plus fort que les autres le ramena à la réalité. "Chut" fit Hyoga, continuant sa besogne. Son corps luisait de sueur sous les effets lumineux de l'âtre, alors que son mouvement amplifiait au point que Seiya crut voir le sofa se déplacer. Enfin, il se contracta en un ultime spasme et retomba sur le corps de Naty. "Ouf ! " pensa Seiya " ils ont fini. Ils veulent vraiment m'empêcher de dormir, ces deux-là." La situation eut pu prêter à rire, mais il se trouvait coupable de regarder ainsi les ébats du couple.

Seiya pensait enfin trouver le sommeil mais les gémissements étouffés reprirent. Seiya se retourna dans son lit. La nuit serait encore fort longue.


Chapitre 3 : "Déchirures/Déclarations"


Saori ne parvenait pas à trouver le sommeil. Seiya était parti la veille et n'était pas rentré. Compte tenu du décalage horaire, il avait dû passer la nuit en Sibérie. Il n'allait donc pas tarder à revenir, vue l'heure, à condition qu'il parte dans la matinée, ou alors...

"Oh et puis zut ! Pourquoi je me pose des questions sur lui ! Ce n'est qu'un balourd !" Saori s'enfonça dans son oreiller et s'endormit.
 
 

Elle se réveilla avant l'aube, consciente de n'avoir dormi que quelques heures, mais elle ne se sentait pas l'envie de traîner au lit à chercher inutilement le sommeil. Elle se leva donc, enfila une robe et sortit se promener dans les jardins. La fraîcheur de l'air acheva de la réveiller totalement et elle se surprit à être de bonne humeur, ce qui lui arrivait rarement ces temps-ci. S'avançant au milieu de la pelouse, elle aperçut quelqu'un assis sur un banc, derrière une statue. Seiya. Elle vint s'asseoir près de lui.

"Bonjour Seiya. Tu es bien matinal."
"Toi aussi, Saori."
"Je n'arrivais pas à dormir."
"Je viens de rentrer de Sibérie. Hyoga va bien. Sa disciple s'appelle Naty."
"Ah ? Comment est-elle ?"
"Douée. En tout. Et brune."

Seiya ne voulait pas raconter ce qu'il avait vu chez Hyoga. Après tout, il s'était comporté en voyeur et ce n'était pas quelque chose dont il voulait se vanter. Mais malgré tout, il ne put s'empêcher de penser qu'il aurait dû le dire à Saori, après tout, il faudrait bien que leur relation éclate au grand jour à un moment ou à un autre. Mais il voulait laisser à Hyoga le soin de l'annoncer lui-même.

"Saori... tu ne te sens pas seule, de temps en temps ? Moi oui. Surtout depuis quelques jours. Je crois que de voir Ikki, Shun et Shiryu si heureux en amour me rend un peu jaloux d'eux. Pourquoi n'y aurait-il pas de 'Seiya et sa femme' ou 'Saori et son petit ami' ? Crois-tu que nous finirons par trouver quelqu'un nous aussi ?"

Seiya, qui avait dit tout cela en gardant la tête baissée, la releva pour regarder Saori. Celle-ci semblait sur le point de pleurer.

"Seiya ! Si tu savais combien il est difficile d'être Athéna ! Je ne peux même pas avouer mon amour à l'homme que j'aime, car l'esprit d'Athéna en moi s'y refuse. Je comprends ce que tu ressens, Seiya, car je ressens la même chose. Je souffre d'être seule, de ne pas connaître ce plaisir que l'on doit ressentir avec l'être cher. Oh ! Seiya !"

"Saori..." Seiya était troublé. Saori était-elle en train de lui dire qu'elle l'aimait ? Qu'elle le désirait ? Lui-même avait compris, au cours de la nuit précédente, à quel point son désir était fort. En voyant Hyoga et Naty faire l'amour, il s'était imaginé dans la même situation avec Saori. A cette vision, il avait compris à quel point Saori l'attirait, à quel point elle lui faisait oublier Miho.

C'était le moment. La situation ne se représenterait peut-être jamais plus. Ils étaient seuls dans les jardins du Sanctuaire, personne ne les dérangerait avant longtemps. Il devait tout lui avouer, et peut-être alors...

"Saori, si tu savais comme je t'aime..." Seiya se sentait maladroit, il lui semblait qu'il était ridicule de parler ainsi.

"Seiya..."

Inconsciemment, Seiya se rapprochait de Saori, son visage était si près du sien... Seiya s'avança encore, et passa un bras autour de la taille de la jeune femme. Il allait l'embrasser. Il le fallait. Saori ne semblait pas résister.

Leurs lèvres se rencontrèrent et il leur fallut de longues minutes pour s'arracher l'un à l'autre. Seiya enfouit son visage au creux de son épaule, l'embrassant dans le cou, les cheveux de la jeune femme tombaient sur lui telle une pluie mauve. Saori s'était agrippée à son dos. Ni l'un ni l'autre ne voulaient que cesse cette étreinte.


"Seiya... Que faisons-nous ? Nous ne devrions pas..." Saori ne savait plus quoi penser. Son esprit était si obscur, ne faisait-elle pas une énorme bêtise ?

"Saori, on a tous les droits..." Seiya continuait à l'embrasser. Son esprit était désormais concentré sur un seul but, un seul objectif, son propre désir. Exacerbé par ses fantasmes de ces dernières semaines, par les révélations de Shiryu et la scène qu'il venait de voir la veille. Seiya déplaça sa main et commença à relever la robe de Saori sur sa cuisse. C'était si chaud, il lui semblait que sa main brûlait. Il la renversa sur le banc, se couchant presque sur elle.

Saori ne savait plus du tout quoi penser, et se laissait faire, sentant comme Seiya, collé contre elle, était excité, fébrile. Elle avait l'impression persistante qu'elle commettait une erreur, mais ses sens ne lui laissaient plus d'alternative. Elle sentit Seiya arracher le mince sous-vêtement qu'elle portait sous sa robe, mettant sa chair à nu. Elle entendit la fermeture éclair de son jean, tandis que Seiya, de sa main libre, caressait sa peau sous sa robe.

Et soudain, elle réalisa. L'Athéna en elle se réveilla et exprima sa fureur. Comment Athéna, la Vierge Guerrière, la Déesse Intouchable pourrait-elle se donner à ce petit salopard, ce mortel impudent ?

"Seiya ! Stop ! Il ne faut pas !"

Mais Seiya était déjà allé trop loin, et n'entendait plus Saori. Seules comptaient la chair de Saori, qu'il maintenait ouverte, et sa propre chair, qu'il dirigeait de son autre main vers son but.

"Attends un peu, Saori, on a pas encore commencé !" Une partie de l'esprit de Seiya trouvait qu'il avait une voix anormalement grave, mais cette partie ne fut pas assez forte pour faire refluer les émotions qui le guidaient entièrement désormais.

Saori tenta d'imposer la Volonté d'Athéna à Seiya, pour le forcer à s'arrêter dans son élan, mais rien n'y fit. Comment aurait-elle pu d'ailleurs atteindre le mental d'un homme éveillé comme elle aux Huit Consciences, un homme dont la volonté avait été plus forte que celle de tous ses ennemis, avait été puissante au point de briser la barrière qu'elle-même, Athéna, avait érigée pour le protéger d'Hadès, lors de cet ultime combat ? Seiya était désormais un être à la volonté inflexible, à la puissance inimaginable, "une quasi divinité" auraient dit la plupart des humains. Qui aurait pu l'arrêter ?

Saori fut si choquée quand il la prit qu'elle ne put même pas crier. Il lui semblait que le monde s'écroulait autour d'elle. Seiya ne fit pas preuve de tendresse, tout entier tourné vers l'accomplissement de son propre plaisir, et Saori ne put que subir ses assauts, en attendant qu'enfin il explose et se calme.

Quand Seiya relâcha Saori, il regarda la jeune femme. L'expression de son visage fut un tel choc qu'il retrouva immédiatement ses esprits et réalisa enfin la gravité de son acte. Saori était livide, son visage figé semblait exprimer un ahurissement total, on aurait dit qu'elle était morte de surprise. Les mots résonnaient dans le crâne de Seiya : "J'ai violé Athéna !"


Seiya attendait que Saori se réveille. Elle était tombée dans cet état de catatonie juste après qu'il ait retrouvé ses esprits. Il l'avait portée dans la Chambre d'Athéna et l'avait mise au lit. Il la veillait, incapable de décider s'il devait chercher de l'aide ou pas.

Enfin, il pensa qu'il fallait que quelqu'un d'autre que lui s'occupe d'elle. Il se leva, et partit dans le couloir, se demandant qui serait assez digne de confiance pour ne pas ébruiter l'affaire. Il eut immédiatement honte. Comment pouvait-il penser à dissimuler sa faute ? Il devait être châtié, et devant tous les chevaliers. Un blasphème pareil envers la Déesse méritait une mort exemplaire. Seiya était décidé à assumer son destin. Il retourna dans la chambre d'Athéna, mais la trouva vide.

Seiya courut dans les coursives à la recherche de Saori, et finit par penser au jardin. C'est là qu'il la trouva, debout près du banc où perlaient quelques gouttes de sang, preuves du drame.

Saori le regarda droit dans les yeux, une lueur qu'il n'avait jamais vue encore dans son regard le tétanisait.

"Athéna, voulez-vous que je vous rende l'armure de Pégase et que je mette fin à mes jours ? Je peux demander à être mis aux arrêts en attendant votre sentence. Ordonnez, vous serez obéie." Seiya était à genoux devant elle, il n'osait plus la regarder.

"Seiya, ça ne te va pas du tout, de jouer les samouraï. Tu es un être i-mm-on-de" Elle articulait chaque syllabe d'une voix presque rauque, et Seiya semblait impassible. "Tu es trop précieux au Sanctuaire pour te sacrifier. Mais je ne te pardonnerai jamais."

Saori commença à s'éloigner, dépassa Seiya toujours à genoux.

"Ah. Au fait, Seiya, je t'autorise à prendre jusqu'à trois semaines de vacances, mais ne mets pas les pieds au Sanctuaire pendant ces trois semaines. Je ne veux pas te voir ici."

Seiya resta immobile encore quelques minutes, alors que Saori rentrait au temple. Alors le chevalier Pégase s'effondra en sanglots.


"Junon, il est tard, faut que j'y aille !"

Il faisait frais, cette nuit là, sur l'Ile d'Andromède. Junon avait réussi à emmener Shun faire une balade sur la plage, mais elle redoutait cet instant.

"Pourquoi faire Shun ? Pourquoi ne restes-tu pas ici cette nuit ? Pourquoi tiens-tu tant à rentrer au Japon ?"
"Mais... Que vont dire Seiya et les autres ? On est pas encore mariés ! J'ai pas envie qu'on me charrie pendant des années à cause de ça ! On a toute la vie devant nous !"
"Justement Shun, combien cela nous fait-il de temps ? Sais-tu combien d'années tu vas vivre ? Et si une nouvelle guerre se déclarait demain ? Tu repartirais au combat, et j'attendrais que tu reviennes."
"Junon, on dirait une réplique d'un mauvais film des années cinquante."
"Je ne veux pas te perdre, Shun. Ni maintenant, ni demain."
"Junon, je serais toujours là pour toi..."
"Alors pourquoi pas ce soir ?"
"Je ne veux pas que nous fassions une erreur que nous regretterions toute notre vie. Je veux te protéger, Junon. D'ennemis éventuels, de toi-même, et surtout de moi. Je ne veux pas que tu te sentes obligée..."
"Mais je t'aime Shun ! Et je te veux ! De quoi as-tu donc peur ?"

Shun semblait chercher ses mots.

"C'est vrai, j'ai peur, Junon. Depuis que nous sommes revenus des Enfers , tu as toujours été là, et je t'en remercie, mais... mais j'ai parfois l'impression que ton amour m'étouffe. J'ai peur de m'engager avec toi, Junon, car je te connais si peu. J'ai l'impression que tout le monde me connaît, mais que je ne connais personne. Suis-je donc si facile à 'lire' ? J'ai l'impression que mes sentiments sont inscrits sur mon visage mais je suis moi-même incapable de les lire. Auparavant, j'arrivais à comprendre mes ennemis, à savoir s'ils étaient bons ou mauvais, mais je m'en sens incapable aujourd'hui. J'ai l'impression de voir des étrangers autour de moi, même toi, Junon."
"Shun..."
"Non, attends. Qu'éprouves-tu envers moi ? De la compassion, de l'amour maternel ? Du désir ou vois-tu seulement en moi un compagnon avec qui tu as grandi ? Je t'aime, Junon. Tu étais si forte quand nous étions plus jeunes. Je voyais en toi la force de mon frère. Mais nous avons grandi et mes sentiments ont changé. Tu es une femme désormais, et je t'aime en tant que femme. Mais j'ai peur que nous soyons mal assortis. Tu as l'air si forte, et moi si fragile. Depuis toujours, on me traite avec précaution, comme un objet délicat. J'ai l'air si efféminé que parfois les hommes se retournent dans la rue pour me regarder. Je ne peux pas t'imposer de vivre avec un homme dont tu aurais à rougir. Je le refuse."

Junon était abasourdie. Par ce discours si long, car Shun n'était pas quelqu'un de loquace, mais plutôt un grand timide. Et par le contenu de ce discours, pour elle si limpide. Shun faisait un complexe d'infériorité ? Et dire qu'elle ne s'en était jamais rendu compte !

"Shun, tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu te crois inférieur parce que pas très viril ? Mais à quoi mesures-tu la virilité ? A l'apparence ? Tu t'es comporté plus bravement que la plupart des machos ne le ferait, pendant ces batailles. Tu as du courage, le sens des responsabilités, de l'honneur, et de la bonté. Ca ce sont des qualités d'homme. Ne regardes pas ton apparence, elle va se transformer, s'affirmer avec l'âge. Tu es encore jeune. Que m'importe que tu aies l'air fragile ? N'oublie jamais que c'est pour ce que tu es que je t'aime, et non ce à quoi tu ressembles."

En disant cela, Junon avait ôté son masque, afin qu'il puisse lire la sincérité dans ses yeux. Shun s'assit à côté d'elle, dans le sable.

"Tu as sans doute raison. Mais je redoute que l'on ne me voie jamais comme un homme."
"N'aie pas peur de ça. Avec une femme à ton bras, tu auras l'air d'un homme. Et je connais un moyen de te prouver à toi-même que tu es bien un homme."

Junon poussait doucement Shun sur le sable, l'air gourmand. Enfin elle avait trouvé une accroche. Il lui semblait un peu qu'elle précipitait les choses, mais elle en avait tellement envie...

"Junon, voyons ! Et si tu tombes enceinte ? Et si nos disciples nous voyaient ?"

Shun avait l'air paniqué, mais Junon voyait bien que la situation l'excitait déjà. Elle mit la main dans une de ses poches et en sortit un préservatif.

"J'ai toujours eu ça sur moi, en attendant cet instant. Quant à nos disciples, ils sont épuisés par l'entraînement et dorment à poings fermés depuis des heures. Et maintenant que tu es à cours d'argument, viens."


Shiryu était assis devant la grande cascade de Rozan. Il était resté là des heures, sans bouger. On aurait dit le Vieux Maître. Shunrei termina sa lessive, déposa le baquet près de l'entrée et vint s'asseoir à côté de lui.

"Shiryu, qu'as-tu donc ? Depuis des jours, tu contemples cette cascade. Et ne me dis pas que tu veux devenir comme Roshi, je t'en empêcherai !" Le rire de Shunrei était toujours aussi cristallin.
"Shunrei, j'ai quelque chose à t'avouer." Shiryu avait pris sa décision le matin et il lui avait fallu toute la journée pour trouver le courage de lui parler. "Shunrei, je..." Les mots ne voulaient pas sortir mais il insista. "Je t'ai trompée... avec une autre femme."
"Je m'en doutais Shiryu." Sa voix était si douce, si calme. Tu n'es pas rentré une nuit, et tu t'es excusé le lendemain, mais tu mens si mal. J'ai tout de suite compris qu'il s'était passé quelque chose, et comme ensuite tu m'évitais, j'ai envisagé le pire. C'était donc ça."

"Je peux... t'expliquer comment c'est arrivé mais je ne peux me justifier. Ma conduite a été inqualifiable. Je comprendrais très bien si tu ne voulais plus m'épouser. Je ne sais pas comment me faire pardonner. Je ne sais pas si tu PEUX me pardonner."
"Je le peux, Shiryu parce que je t'aime. J'ai voulu te garder pour moi seule, tout en ne te donnant jamais une preuve de mon amour. Je t'ai demandé de me rester fidèle, tout en ne t'offrant pas ce que ton corps avait besoin. Je te demandais la chasteté, mais sans te demander si c'était là ton voeu. C'est aussi de ma faute, donc."
"Mais je n'aurais pas du céder, c'est indigne d'un chevalier, surtout de ma part, disciple de Roshi. J'aurais du mesurer mon acte avant de l'accomplir."
"Tu cherches toujours la perfection, Shiryu, et surtout en toi. Mais la perfection n'existe pas. Tu as cru maîtriser ton corps par ton esprit, et tu voulais respecter mon choix. Tu ne m'as jamais demandé si je voulais me donner à toi. Tu n'a jamais insisté. Si tu l'avais fait, peut être tout cela ne serait pas arrivé."

"Arriverons-nous à reconstruire ce que j'ai.. ce que nous avons brisé ?"
"C'est cela, Shiryu, l'amour. Reconstruire, toujours. Il faut toujours construire car l'édifice n'est pas parfait. Le vent souffle, Shiryu, et il faut résister. Mais lorsqu'il souffle trop fort, mieux vaux le laisser endommager l'édifice pour consolider ensuite."
"Je comprends. Sais-tu que tu parles parfois comme le Vieux Maître ? Avec les mêmes images simples mais si fortes. Il me manque, tu sais."
"A moi aussi."

Shunrei se leva, et se dirigea vers la maison. Elle reprit son baquet de linge mais s'arrêta sur le pas de la porte. Elle se retourna, arborant un grand sourire, mais Shiryu vit qu'elle faisait un effort de volonté et qu'elle n'était pas du tout assurée. Pendant un instant, l'inquiétude reprit le dessus.

"Shiryu, maintenant qu'une fille t'a appris comment on faisait, il va falloir que tu m'apprennes à ton tour ! Je voulais que nous nous offrions nos virginités respectives lors de notre nuit de noce, mais puisque c'est raté, autant nous préparer pour la rendre plus mémorable encore."

Shiryu sourit, se leva, et suivit Shunrei. Il s'arrêta un instant devant la porte, regardant la cabane qui fut autrefois celle de son Maître, et qui était désormais la sienne, ou plutôt la leur. Puis il entra et ferma la porte.


Chapitre 4 : "Retrouvailles"


"Seiya ? Mais que fais-tu ici ?"

Miho avait quitté depuis deux ans déjà l'orphelinat où elle avait vécu, et avait recommencé ses études. Elle voulait devenir institutrice mais avait pour cela besoin de diplômes. De plus, elle avait pris un appartement dans la banlieue de Tokyo, et ne voyait plus que très rarement les enfants de l'orphelinat. Mais de temps en temps, elle faisait un détour pour passer voir le lieu de son enfance. C'est là qu'elle avait trouvé Seiya, assis près de l'entrée. De loin, elle ne l'avait pas reconnu tant il avait changé. Elle avait l'impression qu'il ne s'était pas lavé depuis plusieurs jours déjà, et en s'approchant, s'aperçut qu'il empestait la bière.

"Salut Miho. Ca va, toi ?"
"Ou... oui. Mais qu'est ce que... Seiya, que t'arrive-t-il ?"
"Hein ? Oh ça, c'est rien. J'ai décidé d'attendre de crever de faim ici, mais pas de soif."

Seiya tendit le bras et sortit une canette d'un sac plastique.

"Merde. Elle est vide." Seiya jeta la canette dans le caniveau.

"Seiya, Seiya, écoute-moi. Je ne sais pas ce qui se passe mais je t'en prie, ressaisis-toi. Tu peux pas te laisser aller comme ça, c'est pas possible ! Mais qu'est ce qui t'es arrivé Seiya ?"
"T'approche pas Miho ! Recule ! Ch'uis qu'un gros dégueulasse, et tu sais pas c'qui pourrait t'arriver si tu restes près d'moi."

Seiya voulut faire un mouvement pour repousser Miho, mais ne réussit qu'à tomber à la renverse et à s'assommer sur le macadam.


Seiya se retourna dans son lit puis s'éveilla. Il ouvrit les yeux. Il était étrangement calme. Il se souvenait parfaitement de sa rencontre avec Miho. "Bien. Où suis-je ?" Seiya regarda alentours. Il était chez lui, dans son appartement près du port. Sa maison au toit blanc. Miho devait avoir trouvé de l'aide pour le ramener.

Chère Miho, toujours aussi serviable. Seiya se demandait ce que la jeune fille pouvait encore penser de lui. Son état de la veille (à moins qu'il n'ait dormi plus longtemps ?) n'était guère reluisant. Seiya souleva les draps : on l'avait déshabillé, lavé et on lui avait enfilé un caleçon propre. C'était sans doute nécessaire, vu qu'il n'était pas rentré chez lui depuis près de six jours. Il faudrait remercier Miho pour ça. Il se demandait si elle l'avait déshabillé et lavé elle-même ou avait demandé à quelqu'un de s'en charger.

La porte d'entrée se referma doucement. C'était Miho, revenant, les bras chargés de provisions.

"Tu te réveillés enfin, Seiya. Tu as dormi plus de 36 heures."
"Je m'en doutais. Merci Miho."
"C'est normal. Tu sais que tu es lourd ? J'ai du faire appel à un ami pour te transporter ici."
"Un... ami ?"
"Qu'est ce que tu vas imaginer ? C'est un copain de classe, c'est tout. Bon, puisque tu es réveillé, je vais pouvoir te préparer à manger ! Tu dois avoir faim. Mais attention, tu ne boiras que de l'eau !"
"C'est drôle. Je devrais te dire quelque chose comme 'Ne t'occupe plus de moi, merci pour ton aide mais je vais me débrouiller seul maintenant' mais j'en ai pas envie. Finalement c'est assez cool d'être dorloté par une fille comme toi."
"Une fille comme moi ?"
"Tu as raison. C'est cool d'être dorloté par toi."
"J'aime mieux ça. Bon, aujourd'hui, tu vas manger du poisson bouilli avec des carottes !"
"Hein ? Mais c'est un menu de régime ça ! T'as pas un truc plus appétissant ?"
"Non ! C'est ça ou rien !"
"C'est pas juste !"

Seiya et Miho riaient tous deux, mais Seiya se demandait combien de temps cette joie durerait. Après ce qu'il avait fait à Saori, il n'avait plus eu le courage de rien faire. L'énergie de Miho le poussait à s'en sortir pour le moment mais il savait qu'il ne pourrait jamais effacer sa faute. Et que dirait Miho lorsqu'elle saurait ? Il fallait le savoir, et le plus tôt serait le mieux.

Miho vit l'expression de Seiya se transformer. D'un coup, son rire se tut, puis il baissa les yeux pour éviter son regard. Quand il ouvrit la bouche pour parler, elle sut que quelque chose d'horrible allait se produire.

"Miho, sais-tu pourquoi tu m'as retrouvé dans cet état ? Je ne suis plus digne d'être un chevalier, alors je ne suis plus digne de vivre. Je me suis laissé mourir lentement. Il y a une semaine, j'ai violé Saori."

Miho était terrifiée. Seiya disait tout cela d'une voix si calme, si froide. On aurait dit que peu lui importait à présent. Comme s'il était déjà mort. Comment pouvait-il lui dire si calmement qu'il avait fait un acte aussi cruel ?

"Je ne sais pas vraiment ce qui a pu m'autoriser à croire qu'elle voulait... mais je l'ai cru. Et puis les circonstances aussi ont joué, mais ce n'est pas une excuse. Je crois l'aimer. Ca doit te faire mal, mais c'est la vérité. Depuis des mois, je ne pense plus qu'à elle, mais j'étais incapable de le lui dire. Voilà ce qui s'est passé."

Miho eut du mal à articuler ses mots. Elle sentait la fureur monter en elle.

"Et c'est tout ce que tu trouves à me dire ? Tu l'aimais, tu voulais le lui dire, et tu l'as violée ? N'oublies-tu pas quelqu'un dans cette histoire, Seiya ? Et moi alors, tu y as pensé ? "
"....."
"A mon tour, maintenant, de t'assener des vérités cruelles ! Tu n'es vraiment qu'un sale petit égoïste prétentieux, voilà ce que tu es ! Tu venais me voir mais tu pensais à elle. Tu pensais à elle tout le temps depuis des mois. Tu savais que tu l'aimais. Pourquoi ne m'en avoir rien dit ? J'aurais parfaitement compris, et je t'aurais laissé la rejoindre. Peut-être voulais-tu te garder une 'issue de secours', au cas où elle te repousserait ? Ce n'est pas ton amour pour elle que je te reproche, Seiya, mais ton attitude hypocrite envers moi !"
"Je sais, Miho, j'aurais dû t'en parler. Mais en fait, je ne me rendais pas compte à quel point elle m'obsédait, et je croyais encore t'aimer. Je crois que je t'aime encore, Miho, d'une certaine façon. Mais pendant ces quelques mois, je désirais Saori. Je... je suis incapable de dire si je te désire, j'ai du mal à te considérer vraiment comme une femme. Tu es... ma meilleure amie, mais je ne sais pas si je peux te demander plus. "
"Seiya, je ne veux plus être ta meilleure amie, mais ta petite amie, avant d'être ta fiancée puis ta femme. Si tu ne savais pas ce que je voulais, pourquoi ne pas me le demander ?"
"Tu sais, j'ai vu Hyoga faire l'amour à sa petite amie. Je ne nous avais jamais envisagés comme ça. Mais je me voyais avec Saori. Je m'imaginais faire l'amour à Saori, mais je me suis toujours imaginé une famille avec toi. J'ai très mal vécu cette situation paradoxale, je crois."

"Seiya, si tu parles de sexe, pourquoi ne pas dire le mot ? En as-tu peur ? Saori est une femme admirable, je crois que tu as fait une erreur en reportant sur elle un désir que tu ne voulais pas envisager avec moi. Tu as vraiment fait une grosse erreur. Je sais que tu me vois encore parfois comme la petite fille que j'étais, et que tu veux me protéger, mais je suis adulte maintenant. Si nous devons continuer à avoir une relation, elle se changera avec le temps. D'un amour de jeunesse en relation amicale, puis en contrat de mariage, notre amour deviendra forcement charnel. Il sera peut-être moins 'beau' mais tout aussi passionnant, et nécessaire si tu veux fonder une famille ! Je crois que tu dois encore grandir un peu, car tu ne sembles pas encore prêt à avoir ni une amante, ni une épouse. Mais j'attendrai, Seiya."

"Et moi qui croyais être un grand garçon, désormais. Je crois que Marin a raté mon éducation."
"Oui, j'irais lui dire deux mots. Et maintenant, aide moi à éplucher les carottes. Je vais recommencer ton éducation, à commencer par la cuisine, et ce dès maintenant. Tu dois apprendre à vivre comme un humain, et non comme le chevalier que tu es."

Seiya s'interrogeait. Comment Miho pouvait-elle avoir une telle sagesse, comment pouvait-elle lui donner une telle leçon ? Après tout, elle n'avait que le même âge que lui, et sans doute pas beaucoup plus d'expérience que lui. Etait-il si immature ?

Saori lui semblait désormais si loin. Il lui avait fait du mal et ne pourrait sans doute jamais se faire pardonner. Miho avait compris, elle, et lui avait pardonné. C'était absurde ! Il se retrouvait dans la même situation que Shiryu mais en pire. Et Miho lui pardonnait. Sans doute Shunrei avait fait de même. Pourquoi les filles étaient-elles toujours plus censées que les garçons ?


Seiya regardait Miho. Elle semblait si heureuse, si épanouie. Cela faisait déjà trois semaines qu'elle l'avait trouvé, et ramené à elle. Il n'avait pas oublié Saori, et se sentait toujours coupable, mais était désormais capable de vivre avec sa faute. Il retournerait bientôt au Sanctuaire, et verrait Saori. Il s'excuserait, subirait sa peine, mais il était déterminé à vivre, pour Miho, et refuserait la peine capitale. Athéna devrait trouver un autre châtiment ou lancer tous les chevaliers du Sanctuaire à ses trousses.

Quel changement en quelques mois ! Seiya n'en revenait pas. Il y avait quelques mois, il était encore comme un petit enfant, si aveugle face à ses propres problèmes de coeur, et aujourd'hui, la situation était si claire. Miho était avec lui, il la voulait pour femme et mère de ses enfants. Il la voulait pour maîtresse, aussi, sûr qu'elle saurait toujours se montrer plus femme, qu'elle saurait l'éloigner de toute autre tentation. La voir telle qu'en ce moment, si tendre avec lui, suffisait à son bonheur. Seiya tendit la main et effleura sa joue, et fut récompensé d'un sourire.

Enfin il était en paix avec lui-même. Il avait trouvé sa moitié manquante.

Seiya leva les yeux, regardant les poutres de sa maison au toit blanc. Puis il ne put se retenir, explosa et retomba sur Miho.

"Seiya... C'était encore meilleur aujourd'hui. Deviendrais-tu un expert dans l'art de satisfaire les jeunes filles ?" Miho semblait essoufflée mais ravie.
"Non. Je deviens un expert dans l'art de faire l'amour à ma femme."
"C'est la première fois que tu m'appelles comme ça. Demanderais-tu ma main ?"
"Ca doit être ça. Veux-tu m'épouser, Miho ?"


Le Sanctuaire, un jour de fête. Ikki était venu avec son épouse, afin que tous voient les splendides jumeaux que Ludmila avait mis au monde. Ikki avait trouvé plus pratique de se rendre au Sanctuaire avec sa famille, plutôt que d'accueillir tout ce monde chez lui. Il avait inventé un nouveau moyen de transport, une forme de téléportation qui lui permettait de se rendre n'importe où dans le monde, instantanément, en emmenant quelques personnes avec lui. Une nouvelle technique. Seiya, Shiryu, et tous les autres étaient venus, avec leur compagnes respectives.

Seiya : "Alors Ikki, tu ne t'attendais pas à des jumeaux, hein ?"
Ikki : "Rigole pas comme ça, Seiya, un jour ce sera ton tour, de jongler avec les biberons brûlants et les couches sales."
Seiya : "Mais avant moi, il y aura Hyoga. Regarde, et dis moi si je me trompe. Naty est enceinte, non ?"
Ikki : "Euh... Peut-être, oui. Ca me semble un peu tôt pour le dire. Et toi, Seiya, m'expliqueras-tu comment tu es arrivé à choisir entre Saori et Miho ?"
Seiya : "Non, car si je te le disais, tu me tuerais. Ca restera un secret entre nous trois."
Ikki : "Pourquoi un secret ? Oh et puis tu as bien le droit de garder cachées certaines choses."
Ikki s'éloigna pour retrouver sa femme et ses enfants.

Seiya était toujours surpris. Il avait entendu dire que Ikki avait participé à une action humanitaire dans son pays d'adoption, un acte qui était plutôt étrange pour ce être si taciturne. Seiya avait eu l'impression lors de sa dernière rencontre avec lui que Ikki avait bien changé, et il s'était demandé si ce changement était vraiment dû à sa rencontre avec Ludmila. Aujourd'hui, il savait que c'était le cas, et que lui-même, au contact de Miho, avait changé. L'amour pouvait vraiment faire des miracles, même avec quelqu'un comme Ikki...

Shiryu s'approcha avec Shunrei.
Shiryu : "Eh bien, Seiya, où as-tu laissé Miho ?"
Seiya : "Avec les jumeaux. Tu sais, elle ne résiste pas à la vue d'un bébé. Alors, deux d'un coup..."
Shunrei : "Je suis sure que vous aurez une famille très nombreuse. C'est bien."
Seiya : "C'est vrai. Elle m'a dit plusieurs fois qu'elle voudrait au moins cinq enfants. Cinq ! Je sais pas si elle se rend compte..."

Shunrei sourit. Sans doute caressait-elle le même rêve que Miho.

"Ecoutez tous !" Seiya se retourna, et vit Shun, debout sur une table, faire signe à tous de faire silence. Shun aussi avait changé. Il avait décidé de laisser pousser une fine moustache ainsi qu'une barbiche, tel un mousquetaire. Avec son visage angélique, on aurait dit Aramis. C'était là sa parade contre son apparence fragile, et il était indéniable qu'il avait l'air plus mûr ainsi.

"Mes amis, silence, je vous prie. Je voulais vous dire que cette réunion autour de Ikki, Ludmila et leurs enfants m'a plu et m'a donné l'énorme envie de vous revoir plus souvent. Aussi Junon et moi vous convions à nous retrouver tous ensemble dans deux mois pour notre mariage. Qu'en dites-vous ?"
Un concert d'applaudissements et d'acquiescements accueillit la nouvelle.


Seiya avait recherché Saori pendant un bon moment, et était arrivé à la conclusion qu'elle était dans le bureau du Pope. Seiya l'avait bien évidemment vue près de Ikki, l'avait entendue discuter avec Ludmila, mais il n'avait pas voulu lui gâcher la fête avec de mauvais souvenirs. L'après-midi touchait à sa fin, et il voulait maintenant tirer cette histoire à sa conclusion. Il devait s'excuser auprès d'elle.

Seiya arriva devant le bureau, et comme à son habitude, entra sans frapper, et se figea sur place. Saori était étendue sur le bureau, tandis que Jabu, pressé contre elle, soufflant comme un boeuf, écarlate, continuait de besogner Saori, ne semblant pas encore s'être aperçu de la présence de Seiya. Saori par contre, vit Seiya dès son entrée et son visage s'empourpra. Seiya ferma prestement la porte et s'éloigna dans le couloir, encore sous le choc.

Saori le rattrapa quelques secondes après, remettant de l'ordre dans sa tenue tout en courant pour le rejoindre.

"Seiya ! Seiya..."
"Euh... Je suis désolé Saori, j'aurais dû frapper avant d'entrer. Je... Je m'attendais pas à ça..."
"Je... C'est ma faute. Jabu était si pressé de ... Nous n'avons même pas pris le temps de verrouiller la porte. Tu... pourrais ne rien dire à personne, pour le moment ? "
"D'accord, je me tais. Mais depuis quand... Jabu et toi... ? "
"Peu après ton départ du Sanctuaire. Il a été très prévenant avec moi à ce moment, et j'en avais besoin. Par la suite, je me suis rendue compte que je l'avais toujours négligé mais que c'était quelqu'un de bien. Et puis, un jour il m'a dit ce qu'il ressentait depuis des années. Je me suis retrouvée bien bête sur le moment, moi qui n'avais pas fait attention à lui. Mais il s'est accroché, et m'a fait la cour pendant une semaine. Et puis, enfin, voilà, ça s'est fait naturellement."
"J'en suis heureux pour toi, Saori. J'avais peur que ce que j... ce que je t'avais fait ne te marque à vie. J'avais peur que nous ne puissions plus être amis."
"Je ne t'ai pas encore pardonné Seiya." Saori semblait sérieuse, mais son sourire revint juste ensuite. "Ton acte envers Athéna était inqualifiable, mais il eut de l'effet sur Saori, celui de lui faire prendre conscience de sa propre solitude, et de la présence des autres. Je crois que je suis plus humaine, maintenant. C'est un peu grâce à toi."
"Merci Saori."

Jabu les rejoignit en courant, son visage était parfaitement normal, sa tenue impeccable.
"Seiya ! Tu... tu diras rien au moins ? Pour l'instant, personne ne le sait alors..."
"T'en fais pas. Athéna m'a demandé de ne rien dire, et j'obéis toujours aux ordres de ma déesse. Après tout, ne suis-je pas chevalier d'Athéna ? "


Seiya regarda encore une fois son disciple dans les yeux et fit exploser son cosmos. La déflagration psychique engendrée, matérialisée par une aura gigantesque, fut telle que presque immédiatement des chevaliers arrivèrent sur les lieux, pour voir d'où provenait une telle puissance. Le cosmos de Seiya était à son apogée. Jamais encore il n'avait été si puissant. Le jeune garçon regardait son maître, éberlué. C'était la première fois que Seiya faisait étalage de toute sa puissance devant son disciple.

"Bien. Je vois que tu réalises la puissance du Cosmos. Il t'en aura fallu du temps, Cassios."

Le garçon était turbulent, et Seiya se demandait parfois s'il ferait un bon chevalier, mais il était encore jeune et inexpérimenté, et aujourd'hui, devant la démonstration éclatante de la puissance des chevaliers de haut rang, il comprendrait qu'il devrait travailler dur pour mériter son armure.

Maintenant que Hélios était devenu chevalier, il n'avait plus qu'un seul disciple à former, ce qui lui laissait plus de temps à partager avec Miho. Depuis qu'ils avaient déménagés au Sanctuaire, Seiya était devenu plus tendre avec elle, car elle se sentait un peu isolée dans ce pays inconnu pour elle. Mais Miho était forte, et elle avait bien pris la chose. Aujourd'hui, elle devait sans doute donner des cours de mathématiques ou de physique aux jeunes apprentis et chevaliers, afin de compléter l'éducation sommaire que prodiguait le Sanctuaire. Elle semblait avoir trouvé sa voie.

Cassios s'adressa à Seiya.
"Moi aussi je pourrais faire ça un jour ?"
"Sans doute. Mais il te faudra travailler très dur pour ça. Il m'a fallu longtemps pour en arriver là. Mais aujourd'hui je suis l'un des chevaliers les plus puissants ayant existé à travers l'histoire de la Chevalerie. Aucune archive ne mentionne le 9e sens, mais il existe, et tu en as la preuve aujourd'hui. Si un jour tu le découvres toi aussi, tu seras capable d'en faire autant."

Cassios semblait vraiment impressionné. Nul doute que dès le lendemain, il prendrait ses exercices au sérieux.

"Bien. Ca suffit pour aujourd'hui. Rentrons nous reposer."

Seiya partit dans la direction de sa demeure, perchée sur une des collines du Sanctuaire, l'enfant sur les talons.

"Demain, je te promets que je ferais exploser mon cosmos." Cassios semblait vraiment sérieux. La démonstration avait été concluante. "Je te le promets, papa."


Fin de "Seiya"
Prochain chapitre : "Shaina"